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Screen Shape
20 août 2010

L'Arbre

 

Je profite d'avoir vu ce film hier soir pour en faire le compte-rendu dès à présent, retardant encore un peu le programme que décidément je m'obstine à ne pas tenir...


Alors, que vaut donc ce film intrigant qu'est L'Arbre ? Présenté au Festival de Cannes de cette année, en film de clôture, je l'ai malheureusement raté faute de places. Depuis, j'attendais tranquillement sa sortie en salle, confiant dans les bons échos que j'en avais eus. Je ne connais pas les autres films de Julie Bertucelli, j'en ai lu du bien, et je nourrissais une légère appréhension devant la présence de Charlotte Gainsbourg, que j'apprécie surtout dans le domaine musical et dans ses jeunes prestations cinématographiques.

l_arbre_affiche

Le premier plan du film est superbe : fondu au noir, une pleine lune apparaît, tremblante, sur un ciel noir. Un couple dans un hamac se chamaille doucement. Fugitif moment de bonheur nocturne, les insectes crissent. Première prolepse : Charlotte Gainsbourg (Dawn dans le film), tombe du hamac et ne se relève pas... avant de bondir en hurlant sur son mari effrayé puis amusé. Ce dernier en revanche ne feindra pas la mort quand, 10 minutes plus tard dans le film, il succombera à une attaque au volant, en compagnie de sa jeune fille Simone. Le fil rouge est lancé, nous avons là un film traitant du comportement et de la vie d'une famille en deuil. Une veuve, jeune, franco-australienne, et ses 4 enfants, de l'ado presque adulte un peu rebelle et très con parfois, au dernier né, qui ne parle toujours pas alors qu'il a trois ans.

Autant le dire tout de suite : le scénario de ce film, du moins la partie concernant le veuvage et le deuil, est extrêmement classique : un blackout pendant les mois qui suivent le décès de Peter, Dawn n'a plus envie de rien, se dispute avec ses enfants, ses voisins... Puis se décide à chercher un emploi et tombe amoureuse du beau plombier qui lui sert de patron, avant de la plaquer car Simone ne peut pas le sentir. On pourrait se trouver face à de grossier clichés mais le film a quelques atouts pour éviter les écueils. Tout d'abord une finesse d'écriture qui respecte les codes du mélodrame classique en y insufflant de petites touches d'émotion aux bons moments, et une belle retenue évitant le grotesque qu'on aurait pu craindre au début du film devant deux ou trois scènes d'hystérie.

Autre avantage du film : ses acteurs. Charlotte Gainsbourg est somme toute convaincante, parfois un peu sur le fil, mais jamais énervante, son mari, que l'on voit peu, joue très bien, et son amant également - même si c'est le personnage qui a pour moi le moins d'intérêt. Mais mention spéciale pour les enfants du film, notamment les plus jeunes, qui sont irrésistibles de vérité dans leurs rôles, Simone la première, très "adulte" par moments et qui prononce quelques unes des meilleures répliques du film, notamment la très frenchy "Je m'appelle Simone" (le film est en anglais en langue originale).

Mais jusque là, rien de bien extraordinaire, non ? Un mélo classique, bien écrit et interprété, mais qui manque de piquant me direz-vous... Hé bien non, L'Arbre, comme son nom l'indique, c'est aussi l'histoire de ce figuier de Montego Bay, immense et majestueux, qui vit à côté de la maison sur pilotis de Dawn et de sa famille. Un arbre superbe, aux branches longues, puissantes et sinueuses, d'un ampleur imposante, d'une belle hauteur, et que Julie Bertucelli a mis 6 mois à dénicher au fin fond du Queensland. C'est lui la star, le personnage principal du film, porteur de toutes les bonnes idées, de toute la poésie. Simone est ainsi persuadée que son père s'est réincarné dans l'arbre. Elle y grimpe, y reste, s'y frotte, lui parle, ne le quitte plus. Ces scènes offrent des plans stupéfiants, de jolies métaphores : l'arbre est filmé comme un être de chair, vivant, presque sensuel, vertigineux. La lumière, le vent, tout y passe, s'y filtre. Deux plans géniaux : un très gros plan sur l'écorce de l'arbre avec un jeu de mise au point qui balaie l'écran, et un clou enfoncé dans une branche qui fait "saigner" le figuier.

L'ombre du film fantastique plane même par moments, et investit carrément la fin du film. Quand Dawn fricote avec son patron, une énorme branche tombe dans sa chambre; l'arbre serait-il jaloux ? Et quand ses racines bouchent les canalisations, que les chauve-souris attaquent, que les grenouilles envahissent la maison, serait-ce pour se rapprocher de Dawn et de ses enfants ? Des questions auxquelles le film à la pudeur et l'intelligence de ne pas répondre, sauf peut-être dans la métaphore certes jolie mais un peu grosse de la fin du film, au cœur d'une époustouflante scène d'ouragan. D'autres moments notables de poésie complètent le tableau : 2 enfants, candides et innocents, jouant sous une voix ferrée (un peu comme dans les Aristochats), ou bien Simone, inquiétante et inquiétée, fascinée par une énorme méduse s'approchant d'elle alors qu'elle nage...

Enfin, j'aimerais souligner quelques aspects techniques assez sidérants de ce film. Le premier, c'est la qualité incroyable de la photo et de la colorimétrie, offrant de superbes plans contemplatifs sur les ciels, les paysages du bush australien. Le second, plus intrigant, concerne l'arbre lui-même. Le générique précise bien qu'aucun mal n'a été fait à l'arbre et aux animaux du film, pourtant, vous jugerez par vous-mêmes, mais on voit que ce n'est absolument pas un film de studio, et que l'arbre est tout sauf une maquette, alors se pose une question fondamentale : le film était-il écrit comme cela pour la fin, ou bien une tempête étant survenue lors du tournage, la réalisatrice a revu son script et a improvisé autour de la catastrophe ? Mystère...

En bref, un film splendide visuellement, somme toute très classique mais pas désagréable car bien écrit et bien interprété. Un final techniquement impressionnant et des images à couper le souffle, mais un doute subsiste sur la sincérité de l'entreprise...

Note : 3/4

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Commentaires
K
Je me souviens que le clou enfoncé dans l'arbre fait couler de la sève qui sert alors une métaphore de la souffrance : l'arbre devient martyr, il saigne. Je ne me souviens pas en revanche que l'enfant cherche à dessein un clou précis.
S
Bonjour et merci pour cette belle critique !<br /> J'ai bien aimé ce film également même si quelques scènes m'ont moins moins séduite...<br /> Par ce message, j'aurais souhaité un éclaircissement concernant une scène. C'est à la fin du film, avant la tempête... quand le petit cherche un clou bien particulier et l'enfonce dans une branche. Je n'ai pas compris pourquoi il faisait ça... quelqu'un peut-il m'éclairer ?<br /> Merci et belle semaine à tous !<br /> Sacha
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