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Screen Shape

9 janvier 2012

Top 10 2011 !

L'heure du grand classement est arrivée. Voici donc une liste exhaustive des films que j'ai préférés cette année. Quelques données : environ 70 vus au cinéma (festival de Cannes inclus), une cinquantaine de films que j'aurais aimé voir (octobre a été désastreux de ce point de vue, décembre mitigé - beaucoup de sorties intéressantes). Sur mes critères de notations personnels, et sur les 70 films visionnés, seuls 18 ont la moyenne ou moins (en même temps, j'essaie de voir des films qui m'intéresse et j'évite les films estampillés "navets" d'emblée. Maintenant avec la carte illimitée, ça va changer probablement). 18 films ont eux la note maximale, c'est pourquoi mon top 10 débordera un peu.


2011, année métaphysique ? Un grand nombre de films bien classés ont un propos souvent ambitieux, voire carrément "métaphysique" : planètes, destins, Dieu, mort, Satan, tout à la fois parfois, les questionnements sans réponses ont donné jour à des œuvres très fortes cette année. La question de la musique au cinéma, qui me passionne particulièrement, n'est pas en reste non plus, de même que le cinéma français, qui fait très fort dans les 40 premières places.
Place au top, par ordre décroissant cette fois-ci.

 


NUMERO 1


Melancholia, de Lars Von Trier, avec Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, Alexander Skarsgård, John Hurt.

 

affiche-melancholia


Oui, voilà. Je l'ai crié sur tous les toits depuis le mois de mai, mais c'est vraiment un film incroyable. Prologue encore une fois sidérant, et pourtant meilleur que celui d'Antichrist, son oeuvre à la fois jumelle et matricielle, film parfait, extrêmement composé, truffé de références artistiques cohérentes et complexes, hanté par ses actrices, par Wagner, et avançant inexorablement, hypnotiquement, vers un final absolument renversant. Une de mes plus grandes expériences de spectateur, au premier rand de l'auditorium Louis Lumière. Les sièges tremblaient. Dommage que la grandiloquence de Lars Von Trier l'ait vraisemblablement privé de la Palme d'Or...

 


NUMERO 2


Black Swan, de Darren Aronosfky, avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Winona Ryder, Barbara Hershey.

 

Black Swan Poster


Après Wagner, Tchaïkovski, et son célèbre Lac des Cygnes, au cœur d'un film hybride, noir et sensuel, angoissé et angoissant. Clint Mansell - injustement oublié des Oscars - revisite avec brio une partition canonique, Natalie Portman bouleverse tout le monde dans un rôle incroyable : il s'agissait d'incarner l'ambition et la grâce. Aronofsky se délecte à passer du thriller au film fantastique, lorgnant sur le giallo et inspiré d'un classique du 7e art : les Chaussons rouges, de Powell et Pressburger, qui connut cette année une seconde jeunesse.

 


NUMERO 3


Drive, de Nicolas Winding Refn, avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Bryan Cranston, Ron Perlman, Christina Hendricks, Oscar Isaac, Albert Brooks.

 

drive-affiche


Deux Danois dans le top 3, c'est possible. Winding Refn faisait déjà parti des réalisateurs les plus intéressants des dix dernières années avec sa trilogie Pusher, son Bronson et surtout son Valhalla Rising - film de viking métaphysique et OVNI cinématographique sidérant - le voilà projeté sur le devant de la scène avec un pur film de genre, racé comme les voitures qu'on y croise, produit hollywoodien à la fois conforme et foutrement original, jouant en permanence sur l'acceptation totale des codes et leur inverse, à savoir une déconstruction méthodique. OST pop-électro kitschissime mais qui sied parfaitement aux ambiances nocturnes, feutrées et citadines du film. Gosling est épatant, le film en a fait la star qu'il aurait dû être depuis longtemps déjà. Les seconds rôles sont tous excellents par ailleurs.

 


NUMERO 4


The Tree of Life, de Terrence Malick, avec Brad Pitt, Sean Penn, Jessica Chastain, Fiona Shaw.

 

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Ca pourrait être le pendant optimiste de Melancholia. La mort est toujours présente, l’ambiance mortifère beaucoup moins. Le film chante la vie selon deux voies / voix, l’une de la nature – magnifique Big Bang et trip cosmique sur fond du Requiem de Preisner dédié à Kieslowski – l’autre plus spirituelle, questionnant l’existence de Dieu et la question de la vie après la mort. Montage parfois abstrait, sautes, coupes, ellipses, le temps est éclaté au profit d’un film fleuve presque trop court, sorte de poème cinématographique aussi bien que symphonique. Tous les acteurs surprennent, à commencer par les enfants, formidables. Palme d’Or méritée qui compense la débâcle danoise de Lars Von Trier et de ses frasques. Même si un ex aequo eût été un grand geste.

 


NUMERO 5


Le Havre, d’Aki Kaurismäki, avec André Wilms, Kati Outinen, Blondin Miguel, Jean-Pierre Darroussin, Evelyne Didi, Pierre Etaix, Jean-Pierre Léaud, Robert « Little Bob » Piazza.

 

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Autant le dire tout de suite : ce film est l’injuste oublié du palmarès cannois. Kaurismäki s’y lance dans un brillant exercice de style : film tourné en France, en langue française, avec une majorité d’acteurs francophones. Son égérie Kati Outinen n’y échappe pas, et son phrasé particulier de non francophone ajoute un charme fou à un personnage par ailleurs bouleversant. Riche de références au cinéma français du réalisme poétique dont on retrouve le sens du décor, la dimension populaire et sociale, voire même certains noms de personnages (Arletty / Outinen). Œuvre lumineuse également, fortement engagée politiquement et avec une candeur qui fait un bien fou, une vraie bouffée d’air frais.

 


NUMERO 6


Ex aequo : La Piel que Habito, de Pedro Almodovar, avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes / Shame, de Steve McQueen, avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie

 

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Oui, cet ex aequo a des airs de regroupement thématique. Mais ce serait réduire les deux films à ce qu’ils ne sont pas. D’un côté, Almodovar très inspiré ( et décidément ignoré à Cannes) adapte un roman, Mygale, de Thierry Jonquet. Thriller psychanalytique pervers où les intérieurs géométriques et froid du médecin fou contraste avec la chaleur estivale des contrées espagnoles. Film fiévreux sur l’identité sexuelle, au scénario touffu, à la construction complexe, et au final évidemment bouleversant. Superbe partition pour violoncelle, photographie léchée et mise en scène au diapason de l’univers clinique et mortifère que le film décrit. De l’autre côté, un film magistral et maîtrisé de bout en bout, qui se garde de tout jugement et qui tire le meilleur de son interprète principal, incroyable Fassbender qui rafle un prix d’interprétation mérité à Venise. Carey Mulligan n’est pas en reste dans des séquences superbes et terriblement bouleversantes. Des corps qui s’entrechoquent, se meuvent et se pénètrent dans le plaisir et la douleur. Guère de joie et d’espoir, mais le film explore la névrose de son personnage avec brio. POur une plus longue critique de Shame, ça se passe ici !

 


NUMERO 8


L’Exercice de l’Etat, de Pierre Schöller, avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Laurent Stocker, Sylvain Deblé.

 

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Film sur la politique d’une force et d’une férocité rare, sans tomber dans les travers du film à thèse, voilà le programme de ce long-métrage français qui marqua les esprits au Festival de Cannes cette année. La musique concrète du frère du réalisateur instaure une ambiance étrange, pesante et parfois malsaine tandis que se déroulent séquences oniriques sidérantes, et monceaux de bravoure taillés dans le roc d’un réalisme quasi documentaire. Sommet du film, une scène apocalyptique d’accident de voiture aux allures prophétiques et en écho à l’ouverture du film. La solitude du politicien disséquée avec brio par un réalisateur qui s’entoure d’un casting des plus prestigieux, et un sens du montage qui fait mouche. Mention spéciale à Sylvain Deblé, un acteur non professionnel qui se révèle un des joyaux bruts de ce grand film.

 


NUMERO 9


Le Cheval de Turin, de Belà Tarr, avec Janos Derzsi, Erika Bok, Mihaly Kormos.

 

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Ours d’argent à la Berlinale de 2011, le nouveau et probablement ultime film du hongrois Bela Tarr est une sorte d’agression sensorielle qui s’effectue dans la lenteur de l’effort. Effort sur lequel s’ouvre le film par un premier plan séquence – il y en aura une trentaine en tout et pour tout sur 2h30 de métrage – accompagnant un cheval de trait dans la douleur. Musique lancinante, hypnotique de Mihaly Vig, découpage quasi biblique en 6 jours – et non 7 – répétitivité des scènes du quotidien et fluidité métaphysique de la caméra-œil, photo noir et blanc sublime... Objet que d’aucuns jugeront d’insupportable car trop lent et trop muet, ce film profondément nihiliste est une apocalypse comme on en voit peu, et d’ailleurs la voit-on réellement ? Les éléments disparaissent les uns après les autres, une logorrhée nietzschéenne et une caravane traversent le film comme des éclairs, les patates ne cuisent plus. Chef d’œuvre.

 


NUMERO 10


Ex aequo : L’étrange affaire Angélica, de Manoel de Oliveira, avec Ricardo Trêpa, Adelaide Teixeira, Pilar Lopez de Alaya. / Hugo Cabret, de Martin Scorsese, avec Ben Kingsley, Sacha Baron Cohen, Asa Butterfield, Chloë Moretz, Christopher Lee, Emily Mortimer.

 

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Faisons, pour finir, rimer maturité et malignité. Deux films d’une grande légèreté et d’une grande fraîcheur, dont les démarches similaires aboutissent à deux œuvres pourtant singulièrement différentes. Commençons par le vénérable cinéaste portugais, le doyen de la profession, du haut de ses 103 ans. Sur un scénario écrit en 1952, Oliveira signe une œuvre jouvencière, formidable réflexion sur le pouvoir de l’image, sur le statut de la photographie et du cinéma, conte fantastique aux accents merveilleux, aux trucages à l’ancienne et aux compositions de cadrage tirées de l’iconographie picturale européenne de l’après Renaissance. D’une simplicité et d’une douceur éblouissantes, un film d’autant plus beau et poignant que fait par un homme dont chaque film est désormais « testamentaire » par défaut. Longue vie à lui ! De l’autre côté, un cinéaste certes plus jeune, mais non moins amoureux de son art. En guise de cadeau de Noël, son conte pour enfants et grands enfants se déploie dans une 3D stupéfiante et livre une reconstitution charmante du Paris des années 30. Evitant les poncifs et évacuant rapidement son intrigue de base, le film se concentre sur l’histoire de Georges Méliès, un des pères magiciens du cinéma. Formidable déclaration d’amour à un art et ses origines multiples, bourré de clins d’œil, le film perd habilement le spectateur entre une intrigue de départ et les fantasmes qu’elle inspire. Avec une virtuosité sidérante dans la mise en scène.

 

 

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C’est tout pour le top 10, mais quelques films méritent encore d’être cités ici, car il fut dur de les départager du moment où ils avaient eux aussi remporté la note maximale.
Voici donc un « top bonus », qui va de la 12e à la 22e place :

 


NUMERO 12


Une Séparation, d’Asghar Farhadi, avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseyni

 

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Film événement, qui rafle l’Ours d’or et les deux prix d’interprétation (collectifs !) à la Berlinale de 2011, qui fait 900 000 entrées en France… Bref, un phénomène que ce film iranien, chronique réussie d’un malaise administratif et social et des paradoxes d’une société par si archaïque que ce que l’on pourrait croire. Remarquable, en tous points.

 


NUMERO 13


Ex aequo : Pina, de Wim Wenders, avec Pina Bausch, Dominique Mercy / La grotte des rêves perdus, de Werner Herzog, avec Werner Herzog, Dominique Baffier, Jean Clottes.

 

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Ex aequo un peu forcé, car deux documentaires en 3D de réalisateurs allemands – et amis (voir Tokyo-Ga de Wenders). Je les unis pour la splendeur de la technologie 3D, qui semble décidément seoir plus au genre documentaire qu’à celui de fiction. Le film de Wenders est un hommage vibrant et émouvant à l’immense comédienne qui était son ami et avec qui il devait signer le film à l’origine. Film sur la danse et sur la perte, les deux sujets se télescopant à merveille dans une œuvre humble et sobre. Interviews muettes des danseurs qui s’expriment en voix OFF, nombreux numéros chorégraphiés d’une beauté renversante et où la 3D s’exprime à merveille. Mentions particulières au Sacre du printemps et à la sarabande finale. Quant au film d’Herzog, critique à lire ici-même.

 


NUMERO 15


L’Apollonide (Souvenirs de la maison close), de Bertrand Bonello, avec Hafsia Herzi, Céline Sallette, Jasmine Trinca, Adèle Haenel, Xavier Beauvois.

 

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Cinéaste controversé, Bonello aurait pu mettre tout le monde d’accord avec ce film d’une beauté plastique indéniable. C’était sans compter sur le nombre de grincheux qui peuplent ce pays. Passons, ce voyage dans une maison close un brin fantasmé est d’une élégance toute baudelairienne, c’est-à-dire entrecoupée de cinglants éclairs de violence et de perversité parfois difficile à soutenir. Casting impeccable et mise en scène léchée.

 


NUMERO 16


Les Contes de la nuit, de Michel Ocelot, avec les voix de Michel Ocelot, Julien Béramis, Marine Griset, Christophe Rossignon, Michel Elias.

 

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Enfin un film d’animation ! Il est vrai que cette année riche en bons films a été moins prolifiques du côté de l’image animée. D’autres que cette merveille suivent pourtant au fil du classement, mais pas d’aussi près. Adapté de contes déjà réalisés pour la TV et agrémentés d’un segment inédit, l’intérêt principal de ce nouveau film d’orfèvre est la 3D, qui convient à merveille au dispositif en ombres chinoises du cinéaste. Couleurs chatoyantes et morales universelles sont les autres ingrédients, habituels du réalisateur, de ce superbe film d’animation.

 


NUMERO 17


Animal Kingdom, de David Michôd, avec James Frecheville, Jacki Weaver, Ben Mendelsohn, Guy Pearce.

 

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Eloignez les enfants de l’écran, car voici débarquer un film d’une grande violence et d’une grande cruauté. A savoir le destin forcément tragique d’une famille de criminels dans l’Australie contemporaine. Séquences à faire froid dans le dos, personnages tous plus détestables les uns que les autres, où quelques anomalies humaines se glissent parfois. Jacki Weaver dirige sa troupe à vous coller des frissons dans le dos, et ce n’est pas la musique clinique d’Antony Partos qui vous réconfortera.

 


NUMERO 18


Ex aequo : J’ai rencontré le diable, de Kim Jee-Woon, avec Lee Byung-hun, Choi Min-sik. / The Murderer, de Na Hong-jin, avec Jung-woo Ha, Yun-seok Kim.

 

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Attention, âmes sensibles s’abstenir ! Voici un ex aequo sanglant et franchement jubilatoire. D’un côté, un film sensation du dernier festival de Gérardmer, de l’autre une petite pépite de la section Un Certain regard à Cannes 2011. Deux thriller coréens dans le pur lignage de leur époque, à savoir maximum hormones et violence tous azimuts. D’un côté une histoire de vengeance très « Park Chan-wookienne » - le film reprend d’ailleurs l’acteur fétiche du cinéaste, Choi Min-sik, dans le rôle du grand méchant pervers. C’est de loin le film le plus malsain des deux, et la violence n’est jubilatoire que par son outrance qui confine à la bizarrerie cannibale ( !). The Murderer, plus subtil peut-être, est une longue descente aux enfers aussi bien qu’un brûlot politique. Fait notable, la quasi absence d’armes à feu. On s’y bat à coups d’escaliers, de barres, de marteaux, de couteaux, de hachette, de machette, de tronçonneuses et de camion. Les références pleuvent et le rythme jamais ne faiblit. Une double odyssée sidérante et épuisante.

 


NUMERO 20


The Artist, de Michel Hazanavicius, avec Jean Dujardin, Bérénice Béjo, John Goodman.

 

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Cocorico ! Un film muet en noir et blanc a attiré l’attention de tous les critiques et raflé un prix d’interprétation pour notre Jean Dujardin national à Cannes, et le voilà couronné de gloire aux Etats-Unis. Succès critique et publique il faut le dire amplement mérité, au vu de la reconstitution soignée d’une époque révolue. Les grands noms, de Chaplin à Murnau, sont  tous convoqués et le film jongle avec les références, Billy Wilder et Stanley Donen en tête. Un brillant exercice de style qui montre des qualités inattendues en bonus.

 


NUMERO 21


We Need to Talk about Kevin, de Lynne Ramsay, avec Tilda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller.

 

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Retour sur une tuerie qui ne sera aperçue que momentanément et sur la vie ravagée de la mère du tueur adolescent, ce film machiavélique explore les difficiles relations d’une mère qui découvre que son fils ne l’aime pas dès sa naissance. Démonstration de force implacable, système sémantique minutieux, ce long métrage est d’une maîtrise à toute épreuve, ce qui pourra en laisser certains sur le bord du chemin. Trio d’acteurs impressionnant.

 


NUMERO 22


Le Tableau, de et avec Jean-François Laguionie, avec les voix de Jessica Monceau, Adrien Larmande, Jean-François Laguionie.

 

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Un film d’animation pour clore cet extra-classement. Petit bijou encore une fois made in France, animation à l’ancienne, manuelle et délibérément old-school. Tons pastels, textures carton-pâte, le film plonge le spectateur dans la vie des tableaux : un drame s’y déroule, puisque derrière les décors agonisent les personnages non terminés. Le film regorge de trouvailles lexicales (Toupins pour « tout peints », Pafinis et Reufs (« rough »)) et se permet une réflexion plaisante et savamment agencée sur la notion de démiurge et de création. Espièglerie suprême, c’est le réalisateur du film qui joue le peintre-dieu du film, mêlant animation classique, images de synthèse et prises de vue réelles. La 3D s’impose comme une évidence, les séquences oniriques enchantent, la boucle est bouclée.

 

 

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Regrets : Environ 70 films de vus, et presque autant que j'ai ratés. Citons les plus importants :  Somewhere,  Arrietty, le petit monde des chapardeurs, Incendies, Jewish Connection, Never let me go, Winter’s bone, Fighter,  Bowing Gym, Rango,  Nous, Princesses de Clèves, Rabbit Hole, Scream 4, Les nuits rouges du bourreau de jade, Thor, La Solitude des nombres premiers, La Conquête, Insidious, My Little Princess, Chico et Rita, La mujer sin piano, Super 8, La fée, Ceci n’est pas un film, Un été brûlant, Crazy Horse, Le skylab, Beauty, les Marches du pouvoir, Les géants,  Toutes nos envies, Contagion, Bonsai, Michael,Les neiges du Kilimandjaro, L’ordre et la morale,  Jeanne captive, Time out, Tous au larzac,  Donoma, Americano Hollywoo, 17 filles,  Killing Fields,  Les crimes de Snowtow,  Malveillance...


Mentions spéciales : ils ne sont pas le classement mais ce sont des films qui m'ont marqué : Tomboy, Hors Satan (critique ici), La Guerre est déclarée, Pater, Polisse, Essential Killing... Et aussi Once upon a time in Anatolia pour sa première moitié, qui m'a ébloui et captivé avec 3 fois rien, se terminant sur une des séquences les plus somptueuses de l'année. Et aussi l'OVNI de l'année pour L.A. Zombie (critique ici).

 

Déceptions notoires : Les quelques "grands films" que j'ai détesté ou qui m'ont laissé indifférents, mais aussi les ratages de grands noms : HA HA HA, Route irish, Détective Dee, Le Gamin au vélo, Poulet aux prunes, Once upon a time in Anatolia (dont la deuxième moitié est aussi chiante que la première était géniale).

 

Voilà, cette fois, tout est dit ! A l'année prochaine ! Suivez mes prochaines critiques de film (à venir : Le Cheval de Turin, Take Shelter, peut-être Hugo Cabret et Mission impossible 4), sur ce site !

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22 septembre 2011

Heritage

La rentrée 2011 sera progressive ou ne sera pas. Dream Theater, Dir En Grey, ici Opeth, mais encore (plus tôt dans l'été il est vrai) Yes et d'autres formations issues du rock progressif ont livré leurs nouvelles œuvres. Dans la sphère metal, les plus attendues étaient évidemment celles du combo suédois et de Dream Theater. Mais si les deux ont en commun d'être des albums composés avec un nouveau line-up pour les deux groupes (nouveau batteur pour Dream Theater, en replacement du membre pilier et actionnaire Mike Portnoy, nouveau claviériste pour Opeth, en remplacement de Per Wiberg - j'y reviendrai), ils prennent des directions différentes, Dream Theater affirmant vouloir durcir quelque peu le ton ("Stronger than ever with their most powerful album yet" nous affirme la tagline), tandis qu'Opeth délaisse son côté metal extrême pour nous livrer un album entièrement clair et calme, pratiquement dénué de violence et de metal.

A quoi ressemble donc ce dixième album du groupe de Mikael Akerfeldt ? Déjà, la pochette, qui était connue depuis quelques mois, a fait couler beaucoup d'encre : délibérément old-school, très typée rock progressif des années 60-70, des Moody Blues (In Search of the Lost Chord), aux pochettes bariolées et surchargées de groupes aussi mythiques que King Crimson, Asia ou Yes. Image très composée dont le centre est un pommier et les fruits les têtes des membres du groupe, le public a été très critique vis à vis de l'humour douteux du dessin, puisque la tête de Per tombe de l'arbre comme un fruit pourri. Amusé, un brin cynique, le leader du groupe commente et adoucit cette vision en précision qu'une fleur pousse là où était la pomme, symbole du son successeur. Quant aux racines, elles symbolisent selon lui le passé du groupe et son côté "death metal" : faut-il y voir là l'affirmation d'un trait définitivement tiré sur la violence vocale au sein d'Opeth ? Peut-être.

 

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Puisque j'évoque le successeur de Wiberg, nommons-le : il s'agit de Joakin Svalberg, musicien de studio et de scène ayant notamment travaillé avec le guitar hero Yngwie Malmsteen, célèbre perfectionniste. Akerfeldt ajoute même ironiquement que Svalberg leur a été indiqué par Wiberg avant de quitter le groupe. Sur l'album, il joue du piano sur la chanson éponyme qui ouvre le disque, mais Wiberg a enregistré avec le groupe la plupart des parties de clavier d'Heritage avant son départ.

Mais venons-en à la musique en elle-même. L'album, comme son nom l'indique, est pensé de manière tout à fait old school, dans le sens où il est introduit par un titre instrumental et conclut par un autre instrumental, respectivement "Heritage" et "Marrow of the Earth", rien de plus classique. L'ensemble possède donc un début dirigé vers une fin et le disque fonctionne en système clos et indépendant, parfait album de transition pour un groupe sur le point d'achever une énorme évolution stylistique de sa musique. "Heritage" est donc un titre pianistique de sensibilité jazzy - et non classique / romantique comme sur son unique prédécesseur dans la carrière d'Opeth, à savoir "Silhouette" sur le premier album Orchid. Enregistré au plus près de l’instrument, dans les mythiques studios  Atlantis de Stockholm (les studios d’Abba (!), où Opeth a notamment enregistré la bonus track de Ghost Reveries, une reprise du « Soldier of Fortune » de Deep Purple), la prise de son de ce morceau est assez fantastique, puisqu’à sonner finalement très live, elle rend toute la percussion de son instrument principal (on oublie assez souvent que le piano est un instrument à cordes frappées). C’est surtout flagrant sur la voix grave du morceau, la plus basse, on peut même percevoir quelques sons parasites légers sur la deuxième partie du titre entendant l’oreille. Plus anecdotique est selon moi le titre qui conclut l’album, titre où se mêlent une guitare acoustique et une guitare électrique qui alternent contrepoints et harmonies avant d’être rejointes par la batterie. Un joli morceau aux sonorités vaguement hispanisantes qui rappelle quelque peu l’ « Epilogue » de My Arms, Your Hearse, l’autre album « construit » du groupe.

Outre ces deux titres instrumentaux, l’album est d’une grande richesse musicale est instrumentale, en parfaite cohérence avec son titre. Notons qu’en anglais, « Heritage » est un mot moins courant que par exemple « Legacy » pour désigner l’héritage. Il est ici à prendre dans un sens très littéraire, presque spirituel, d’inspiration poétique et d’hommage à ses influences. Elles ont pour noms quelques uns des plus grands groupes de rock progressif que la terre ait porté, à savoir (liste non exhaustive) Jethro Tull (notamment sur « Famine »), Van Der Graaf Generator (« I Feel the Dark ») ou King Crimson (« I Feel the Dark », « Folklore », mais surtout « Nepenthe »). Mais il serait vain de limiter cette merveille à ce seul trait, et toutes ces influences, si elles restent perceptibles, n’en sont pas moins totalement digérées et intégrées au nouveau son du groupe.

D’autre part, toute trace de metal n’a évidemment pas disparu purement et simplement de la musique du groupe. Même sur Damnation, l’autre album « clair » d’Opeth – et déjà produit par le Steven Wilson de Porcupine Tree, présent également sur Heritage – on en trouvait trace dans le final démentiel de « Closure ». Ici, le metal s’invite de loin en loin, que ce soit au détour d’un riff (le début de « The Devil’s Orchard », le milieu de « I Feel the Dark », les ponts de « Famine »), ou tout au long d’un morceau plus nerveux (« Slither » et « The Lines in my Hand »). Ces deux derniers morceaux sont les deux seuls brûlots de heavy metal de l’album. Le premier officiant dans un speed très efficace et mélodique, parfaitement inattendu de la part d’Opeth, mais relevé au pied levé. Un morceau tout à fait entêtant, avec une bonne dose de psychédélisme derrière – un peu à la Uriah Heep de la grande époque, notamment dans l’aspect lyrique- épique du délire. A noter que la fin se pare de ses plus beaux atours folks, histoire de rappeler chez qui on est. Le second, plus complexe, mélange allègrement des sonorités heavy à un folk acide et agressif, plus dans la lignée de ce que le groupe nous a proposé par le passé. La ligne de basse, tortueuse et grasse à souhait, est imparable, tandis que la guitare est merveilleusement lumineuse. Un morceau au groove insidieux, où Akerfeldt livre un chant remarquablement paisible d’un ton inhabituellement grave (et encore plus sidérant sur « Folklore). Il a fait des progrès en chant clair, et cet album en est la plus belle preuve. Plus généralement, la section rythmique incroyablement touffue, solide et technique, garde les stigmates les plus forts de l’ère metal du groupe, même si on y trouve toujours les sensibilités jazzy qui en ont fait son succès depuis Still Life. Morceaux remarquables de ce point de vue, j’ai nommés «The Devil’s Orchard » et « Famine », absolument imparables.  

Ceci étant dit, l’autre grande source d’inspiration d’Heritage, de l’aveu même du frontman, c’est la musique folklorique. Elle se présente sous deux aspects principaux dans l’album : le premier, ce qu’Akerfeldt désigne comme la musique folklorique suédoise, et là, je ne m’y connais vraiment pas assez pour en parler avec précision. Tout au plus je vous renvoie au titre bonus de Watershed, « Den ständiga resan », une reprise de la folkeuse Marie Fredriksson. Toutefois, les parties acoustiques de l’album sont parmi les plus belles et les plus impressionnantes que le groupe nous ait livrées depuis Morningrise. Il suffit d’écouter les ritournelles superbes de « I Feel the Dark » ou de l’évocatrice « Folklore » pour s’en convaincre, voire même les ponts galopants de premier de ces deux titres. Le second aspect folk de cet album est incarné par un des deux guests de Heritage, l’immense percussionniste Alex Acuña, dont Martin Mendez est fan. Le bonhomme a tout de même joué avec Elvis, comme le rappelle avec émerveillement Akerfeldt, et confère à « Famine », peut-être le titre le plus complexe de l’album, des accents orientaux assez sidérants, tandis que le flûtiste Björn J:son Lindh  (qui a pour sa part joué avec Mike Oldfield) l’envoie sur des dimensions musicales totalement délirantes et, il faut le dire, assez inquiétantes du point de vue de l’ambiance suggérée.

Album totalement déroutant, jouant presque systématiquement du décrochage, Heritage propose donc bien plus que « seulement » 10 morceaux, puisque la plupart d’entre eux sont des titres à tiroirs, à la construction particulièrement alambiquée. On pourrait gloser indéfiniment sur la césure violente de « I Feel the Dark » qui laisse une nappe de claviers ténébreuses (VDGG n’est vraiment pas loin) envahir nos oreilles avant que des riffs menaçants de se superposent, de même sur les incessants changements de tempo sur « The Devil’s Orchard » ou sur « Famine » qui passe allègrement d’une ballade mélancolique à un titre violent et torturé. De ce côté ci, « Nepenthe » n’est pas en reste non plus. En fin de compte, des « longs » morceaux de l’album, ceux dont la progression est peut-être la plus évidente à suivre sont la superbe ballade « Haxprocess » et le non moins fabuleux « Folklore » et son final époustouflant et très chargé en émotion. Dans les deux cas, la basse galopante de Mendez fait des merveilles. J’en profite pour faire mon seul reproche véritable à l’album : en effet, bien que « Marrow of the Earth » soit un titre sympathique, je trouve qu’il eût été encore plus fort de conclure sur « Folklore », quitte à réserver le rang de bonus track à l’instrumental. Mais ce n’est que mon humble avis. En outre, à la richesse et au faste instrumental déployé tout au long du disque, impeccablement mixé par Wilson, ajoutez un fourmillement de petits détails et de samples, le plus souvent des bruitages discrets, des bribes de discussions, des murmures, des rires distants, qui achèvent d’en faire un objet tout à fait extraordinaire (non que ce soit là quelque chose d’absolument inédit, loin s’en faut, mais cela ajoute au mystère de cet album si ésotérique dans son iconographie et dans ses textes).

Enfin, car il faut bien que j’achève cette recension fleuve, je voudrais ajouter quelques lignes pour me démarquer de ce que j’ai entendu et lu sur l’album. Certes, il marque une évolution nette et un parti-pris qui laissera de côté une partie des fans du groupe peut-être moins sensible à ce côté éminemment progressif et très old school. Mais contrairement à beaucoup de personnes, je ne me résoudrai pas à voir dans Heritage une rupture nette avec les précédents albums du groupe. Je trouve en effet que le mouvement était amorcé depuis Ghost Reveries et ses sonorités très « chaudes », suaves, qui étincellent ici. Ainsi Heritage est-il pour moi le parfait album de transition après Watershed, dont il possède beaucoup d’aspects (notamment dans les claviers de Per Wiberg qui évoquent « Hex Omega » ou « The Lotus Eater », ainsi que dans le simple fait que les growls s’étaient déjà fortement raréfiés sur Watershed).  Vous l’aurez compris, à part une minuscule réserve sur la conclusion de l’album, Heritage m’aura absolument séduit, pour ne pas dire bouleversé, de par sa grande richesse, son audace inépuisable, et sa densité musicale très surprenante. Affaire à suivre, et sur scène si possible.

 Note : 19/20

NB : J. Svalberg n’est pour le moment pas un membre officiel à part entière du groupe, mais c’est en bonne voie. Les anecdotes sur l’enregistrement du disque ou sur la pochette sont tirées des différentes interviews que j’ai pu lire sur le sujet, notamment celle du numéro d’été de Rock Hard, écrit par Morgan Rivalin, et dont je recommande la lecture en complément d’information sur cet album.

J'ajouterai en temps voulu un paragraphe sur les bonus tracks de l'album, que je n'aurai pas l'honneur d'écouter tant que la version matérielle du disque ne sera pas entre mes mains. Je précise que je possède une version numérique légale de Heritage, offerte par Roadrunner Records suite à ma commande du Boxlet Deluxe de l'album.

9 septembre 2011

Cadavres à la pelle

On n'avait pas eu de nouvelles de John Landis au cinéma depuis 1998, soit presque 13 ans. Entre temps, le facétieux réalisateur des cultes Blues Brothers ou encore du Loup-Garou de Londres, n’avait participé qu’à la série Masters of Horrors ou encore réalisé un épisode pour la série Fear Itself. Le reste de ses activités audiovisuelles se résumait à des apparitions en tant qu’acteur dans des films allant du Couperet de Costa-Gavras à Spider-Man 2 de Sam Raimi.

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Autant dire qu’on l’attendait au tournant avec ce Cadavres à la pelle (Burke and Hare en anglais), long métrage renouant avec un comique macabre qui l’a rendu célèbre – loin des égarements période Eddy Murphy. Le sujet de ce dernier film est plutôt simple : dans l’Ecosse de la première moitié du XIXe, deux hommes avides d’argent font disparaître une bonne partie du voisinage pour revendre les corps à un célèbre médecin, sur le point de révolutionner sa discipline. Tout un programme.

Et affirmons d’ores et déjà qu’une bonne partie de ce programme est relevée haut la main ; l’humour caustique est bien présent, le réalisateur optant tour à tour pour des gags potaches d’un niveau variable, inégal, à des scènes proprement bidonnantes – au hasard, les tentatives infructueuses de meurtres, le quiproquo avec Samuel Coleridge et William Wordsworth (ce gag-ci faisant toutefois rire moins de personnes puisqu’il nécessite de connaître les deux écrivains en question). Ajoutons encore les « chutes » glaçantes qui font basculer l’humour dans une dimension plus sombre, le plus souvent dans les séquences concernant le métier de bourreau ou de médecin, étrange parallélisme dressé, peut-être à son insu, par le film. Tout le projet s’appuie sur un casting savoureux, avec l’impayable Simon Pegg qui joue décidément bien l’idiot, ainsi que l’acteur montant Andy Serkis, plus connu pour ses rôles de personnages recrées par ordinateur (Gollum, King Kong, etc.) que son vrai visage. Petite parenthèse : 2011 semble être son année,  puisqu’il joue un singe doté d’une intelligence supérieure dans le préquel de la Planète des Singes, et on le verra à l’automne en capitaine Haddock dans le film attendu de Spielberg. A côté de ces deux rôles principaux de qualité (les Burke et Hare du titre original), quelques seconds rôles plus ou moins savoureux, comme les excellents Tim Curry (qui jouait un docteur d’un bien autre genre dans le Rocky Horror Picture Show) et Tom Wilkinson, les deux médecins rivaux du film. A côté, la jolie Isla Fisher se démène comme elle peut dans son rôle de mauvaise actrice / midinette de cabaret.

C’est là que le bât blesse. Si l’intrigue policière et médico-légale se suit avec intérêt, la romance entre Burke et Ginny oscille entre le médiocre et la franchement ridicule. L’actrice en fait des tonnes et finit par être insupportable, même si leur liaison comporte quelques scènes plutôt drôles autour de la frustration sexuelle de Burke. Et puis, massacrer ainsi Macbeth à dessein devrait être puni par la loi, même si la séquence en question est plutôt réussie. De manière générale, la mise en scène ne se démarque pas par une grande originalité, quelques séquences isolées mises à part : ouverture du film, première du spectacle, scènes de meurtres (aux ambiances très réussies, presque effrayantes par moments). Ajoutez à cela un rythme constant qui fait que l’on ne s’ennuie pratiquement pas du début à la fin, un traitement volontairement caricatural des décors et des éclairages pour rendre l’Ecosse de l’ère pré-victorienne plus sale que jamais et surtout une petite liste de guest stars fort sympathique (au hasard la famille Costa-Gavras, Christopher Lee…), et vous aurez une idée du bon petit moment qui vous attend. Tout au plus pourrait-on regretter que le film ne soit pas allé creuser dans la dimension éthique de la médecine et du progrès scientifique, dimension autour de laquelle le réalisateur se contente de dresser une ébauche de réflexion sarcastique mais pas inintéressante.

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En bref, une comédie bien sympathique mais sans grande prétention, avec quelques défauts dans le scénario et une fin un peu attendue mais finalement tout à fait acceptable. Dans un genre relativement proche – je dis bien relativement – on préfèrera les foudres baroques et grandiloquentes du Sweeney Todd de Tim Burton. Toutefois, Landis est bel et bien de retour !

Note : 2.5/4

3 septembre 2011

La grotte des rêves perdus

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Enfant, je rêvais d'être un jour paléontologue. Dur de naître dans les années 90 sans subir plus ou moins fortement la vague "dinosaures" de la génération Jurassic Park. Le premier livre que j'ai vraiment possédé et lu sans aide aucune était d'ailleurs un illustré de la série Imagia sur les dinosaures. J'ai tellement lu, relu, feuilleté, déchiffré ce livre qu'il est usé jusqu'à la corde et que je le connais pour ainsi dire par cœur. Le temps a passé, les rêves se sont tus, envolés, évaporés avec mon ambition scientifique. Je n'avais ni l'envie ni le niveau pour me lancer dans des études aussi pointues et périlleuses, non, je me sentais littéraire, peut-être linguiste. Et les dinosaures, toute la paléozoologie pour ainsi dire s'est retirée de mon âme.

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Jusqu'à ce que... Quelques secousses avaient ébranlé ces vieux souvenirs ces dernières années, et je ne boudais jamais mon plaisir de revoir quelque part des sauriens ou des mammifères du quaternaire, au détour d'un jeu, d'un écran ou d'une image. Je ne cachai pas ma joie lorsque je vis le King Kong de Peter Jackson et son délire préhistorique, je retrouvai une âme d'enfant émerveillé devant les créatures hybrides de l'Avatar de Cameron. Mais tout cela n'était rien, rien en comparaison de ce qui m'attendait en ce mois de septembre.

Imaginez que l'on donne au Caravage, à Georges De La Tour, à Rembrandt ou même, pourquoi pas, à Hopper, une caméra. Imaginez ensuite qu'on emmène pareil attelage dans une grotte secrète, préhistorique, dans un état de conservation sublime. Vous aurez alors une petite idée de ce que Werner Herzog a fait dans son documentaire sur la grotte Chauvet, La grotte des rêves perdus. Jamais la 3D n'aura été aussi belle, aussi cruciale que dans ce film. Si Pina de Wenders y atteignait pourtant des sommets (notamment dans le Sacre du printemps), le film d'Herzog enfonce le clou et confirme que le gadget 3D semble bien plus adapté au documentaire qu'à la fiction, et en tout cas à des auteurs plus qu'à des faiseurs.

Ainsi a-t-on l'impression troublante, l'ivresse merveilleuse d'arpenter les abîmes de la terre, les corridors de calcite de la grotte ardéchoise, et ceci pour de vrai. Dans le mini road-movie qui précède l'immersion, la caméra portée et la 3D donnent un vertige à la fois grisant et désagréable, comme si le spectateur marchait réellement aux côtés de l'équipe. La nature, aveuglante, souvent filmée à contre-jour, nous agresse, nous enivre. Et puis on descend. Monde de silence, où le temps s'est effectivement arrêté. 40 000 ans environ que personne n'était descendu profaner ce lieu superbe. La caresse de la caméra du cinéaste détaille les parois avec amour, avec un regard de poète, de démiurge. Il y a quelque chose de chamanique dans le documentaire d'Herzog, une indicible impression de toucher au plus profond de nos origines, de celles de l'art et de la spiritualité.

Herzog, avec toute la malice qu'on lui connaît, opère des choix parfois inattendus et déroutants, mais qui toujours se révèlent prégnants. Ainsi de ce vieillard loufoque qui fit rire la salle lorsque, à la fin d'un laïus un peu embrouillé sur sa technique spéciale pour dénicher les grottes "au nez", il grommelle et fait une grimace à la caméra, pensant que ce serait coupé au montage. On estime alors en avoir fini avec l'énergumène, mais on le retrouve immédiatement sous terre, dans la grotte, en train d'humer ses fragrances oubliées, et de dresser un tableau olfactif du lieu. Le film est donc magique, empirique dans tous les sens du terme : la 3D lui donne une réelle texture, un "toucher", tandis que ce vieillard parvient un moment à le rendre odorant. Il ne manque plus que le goût à cette œuvre pour en faire un objet parfaitement tangible.

Outre cette facétie, vous croiserez dans ce documentaire d'auteur rien de moins qu'un "archéologue expérimental", déguisé en homme de Neandertal, des crocodiles albinos ou des Vénus du Jura souabe. En dire plus serait presque criminel.

 

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A gauche, l'archéologue "expérimental", à droite, Werner Herzog.

 

On peut alors se demander si le film a des défauts. Oui, mais ils sont infimes et largement compensés. Tout d'abord, les séquences explicatives, discursives, peuvent sembler indigestes. Mais elles sont pourtant nécessaires à plus d'un titre : d'une part elles font ressortir la beauté mystérieuse des séquences caverneuses, d'autre part elles permettent au néophyte de comprendre un tant soit peu ce qu'il voit, car vous conviendrez que tout le monde ne sait pas forcément ce qu'est une concrétion calcitique ou un Megaceros. Enfin, elles approfondissement la dimension pédagogique et même scientifique du film, notamment dans des séquences aussi réussies que celles de la matérialisation 3D de la grotte par scanner (un enchantement) ou de la visite guidée par la conservatrice de l'endroit, qui analyse les peintures et explique clairement pourquoi on ne peut se rendre à tel endroit de la grotte ou encore comment les archéologues sont parvenus à déterminer la méthode de peinture et à lui donner un sens.

Matrice d'une partie de l'humanité, la grotte Chauvet trouve ainsi un écho rutilant de ce superbe acte de cinéma et d'art, où l'on apprend que nos ancêtres connaissaient la musique pentatonique, où l'on s'extasie en silence devant de minuscules fragments de charbon vieux de 38 000 ans, et où le mélange de musique classique et moderne atteint une belle intensité. En effet, la partition, composée au moins partiellement pour le film par Ernst Reijseger, qui joue aussi du violoncelle, (je jurerais avoir reconnu une suite pour violoncelle de Bach jouée sur un instrument désaccordé, et les cantates qui rythment certaines séquences troglodytes ne me sont pas inconnues non plus), apporte un écho particulièrement pertinent aux images. Non seulement le son et la musique empêchent l'ennui que pourraient provoquer des images muettes de la grotte, mais encore ils constituent un apport sémantique important, par la coloration qu'ils donnent aux images, par les effets de contraste ou d'harmonie qu'ils nous inspirent. Si le violoncelle et la forme cantate dominent la première moitié du film, la fin, quant  à elle, se fait plus moderne, voire ethnique ou expérimentale. Dans la toute dernière séquence dédiée aux peintures, probablement la plus belle du film, car la plus longue, la plus riche et la plus variée, le morceau joué mêle battements de cœur, susurrements d'hommes et de femmes, flûtes et autres instruments qui évoquent des temps reculés, puis tout se fond peu à peu dans la cantate initiale qui reprend le dessus. En un mot, sublime. De cette dernière séquence, et, plus généralement, de toutes celles du film consacrées strictement à l'intérieur de la grotte, ses reliefs, ses ossements et ses peintures, ajoutons qu'Herzog y fait étalage de tout son savoir faire et de sa plus complète originalité. Il alterne ainsi caméra portée, haute résolution et image très granuleuse, joue sans cesse sur les échelles de plan et les éclairages. Il transforme ainsi les conditions austères du tournage (temps limité, parcours restreint) en un formidable acte de cinéma, véritable prouesse technique, fabriquant à l'envi un moyen de filmer un roc interdit grâce à une perche et une mini caméra. Fred Astaire dansait avec son ombre, Herzog retrace alors la danse des hommes préhistoriques sur les murs de Chauvet. Il filme les spéléologues comme des statues mais embrasse les murs et les restes d'animaux comme des êtres vivants, qui scintillent ou qui ondoient sur les surfaces. Plus que jamais le cinéma est un art du mouvement et de la forme, de la dynamique.

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Par extension, la musicalité du film se transmet dans les discours même qui y sont proférés, puisque se mélangent le français avec un accent germanique du narrateur (Volker Schlöndorff dans la version que j'ai vue), l'anglais approximatif de certains scientifiques et les doublages très typés occitan et sud-ouest des différents intervenants locaux. Le tout donnant un certain cachet et complétant joliment la dimension quelque peu humoristique du film - car il y a toujours de l'humour dans les films d'Herzog, si sérieux soient-ils.

Il faudrait encore dire beaucoup sur ce film incroyable, notamment à propos de l'acuité du cinéaste, qui n'hésite pas à avoir recours à des digressions pour mettre en relief son propos et ouvrir des pistes de réflexion. Par moments, je réfléchissais si intensément que je ne suivais plus les explications des intervenants pour littéralement absorber les images avec mes yeux. Par exemple, Herzog cherche à montrer que la perception de la nature et du monde qu'avaient nos ancêtres, ainsi que leur éveil spirituel et artistique, sont peut-être liés à la topographie ardéchoise, au magnifique arc de pierre qui surplombe la belle rivière. Il capte alors quelques vols d'oiseaux, s'autorise des prises de vues aériennes, lyriques, du paysage, rendant sa 3D parfaitement ludique. Il met également en perspective une peinture solitaire de la grotte, montrant un hybride de femme et de bison, avec les sus-citées Vénus souabes. Quant à la dernière piste de réflexion, à priori plus grave mais finalement malicieuse quand on connaît le bonhomme, elle offre au film un beau point de chute, qui n'est pas sans rappeler d'ailleurs la fiction qu'était Bad Lieutenant... et une certaine obsession pour les reptiles.

 

la-grotte-des-reves-perdus-2011-22468-1798028077L'Ardèche et un des intervenants du film, qui vous apprendra à tuer un cheval au javelot.

 

En bref : j'ai pratiquement dit tout ce que j'avais à dire sur ce film, et je ne répèterai probablement jamais assez combien je l'ai aimé. A voir, revoir et rerevoir, en 3D de préférence, pour l'expérience magnifique et unique proposée - songez que c'est bien le seul moyen de "visiter" ce lieu. Un merveilleux film qui parlera aussi bien aux enfants curieux qu'aux adultes passionnés, merveilleusement mis en scène - ah ! ces balayages lumineux, sensuels, qui dévoilent et animent les parois - joliment mis en musique, et où poésie, philosophie et science se marient avec harmonie. On en sort illuminé, reposé, grandi. J'ai peut-être perdu mes rêves de gosse, mais je suis heureux de les avoir aperçus errer dans ce film et dans cette superbe grotte Chauvet.

Note : 4/4

 chauvet3Un des derniers plans de la grotte, qui n'a rien d'anodin.

14 mai 2011

Sleeping Beauty

C'est parti pour une nouvelle édition du Festival ! La différence avec l'an passé ? Pas d'accréditation avant mercredi prochain. Du coup, en attendant, c'est tapinage de tickets en smoking sur la Croisette... Et ça marche ! Grâce à une âme bien née qui nous dégotte 6 tickets bleus pour les films de la soirée de jeudi, j'ai pu monter les marches à 19h30 et 22h10, mais - plaisir suprême, découvrir deux films plutôt intéressants. A savoir Sleeping Beauty, film australien de J. Leigh chapeautée par Jane Campion herself, et We Need to Talk About Kevin, de Lynne Ramsay, qui fera l'objet d'un article ultérieur.

Deux films de femmes donc, femmes très représentées à cette édition du Festival, et quel bonheur ! Globalement, ce Sleeping Beauty est plutôt bon, s'agissant d'un premier film, mais il souffre de plusieurs problèmes que je vais m'efforcer de détailler.

 

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De belles images ont rarement fait de bons films. Si une œuvre peut-être jolie, voire superbe d'un point de vue plastique, il lui faut conserver cette réussite dans bien d'autres domaines pour que le film puisse être considéré comme vraiment réussi, et ce n'est malheureusement pas le cas de ce Sleeping Beauty.

Certes, la photo de Geoffrey Simpson, australien lui aussi, est superbe : à la fois lumineuse pour les extérieurs ou les scènes du quotidien de Lucy, l'héroïne du film, où la lumière blanche irradie constamment, notamment dans la très dérangeante séquence d'ouverture qui donne le ton, mais aussi glacée, façon catalogue funèbre, pour les parties consacrées à son activité de "dormeuse". Il me faut ici évoquer le synopsis de ce film pour en montrer les enjeux dramatiques. Une étudiante australienne, Lucy, cumule les petits boulots (serveuse, secrétaire, cobaye pour l'industrie pharmaceutique) et s'enferme dans une routine de gestes répétés, de lieux visités quotidiennement, et de relances de loyers. Elle répond à une annonce et devient hôtesse de soirées étranges, grassement payée, mais confrontée à des personnages curieux, inquiétants. Son besoin d'argent grandissant, elle décide de passer à la vitesse supérieure et devient une "belle au bois dormant", satisfaisant dans son sommeil les lubricités des quelques vieux pervers en mal de libido... Le travail de chef opérateur est donc crucial pour opposer dans un premier temps l'univers réel et quotidien à celui quasi sectaire où elle abandonne son corps, mais il est regrettable que la fin du film ne confronte pas plus violemment ces deux mondes dans un travail esthétique plus prononcé. Le choix de montrer que Lucy (ou Sara quand elle vend son corps) finit par s'installer de nouveau dans une routine mécanique ne permet pas au récit de prendre du rythme et on finit par se lasser des séquences choquantes qui l'émaillent régulièrement.

 

Côté mise en scène, la première partie, éblouissante, présente les différents lieux fréquentés avec un certain brio et un sens inné de l'incongru qui arrachera quelques sourires, parfois gênés. Mais c'est surtout quand Lucy découvre son nouveau travail que le film joue ses pus beaux atouts. Plans géométriques, cadrages millimétrés, décors somptueux et tenues sophistiquées confèrent à l'ensemble de ces séquences un érotisme morbide qui est tout sauf excitant. Difficile de ne pas songer au sulfureux Salo ou les 120 journées de Sodome de Pasolini quand on voit ces vieillards aristocrates se faire servir à table par de jeunes femmes vêtues de noir, seins  à l'air, ou prostrées sur le sol de part et d'autre de la cheminée comme de simples éléments de décorations. L'opposition des sous vêtements noirs des habituées à la tenue blanche de Lucy/Sara est bienvenue, mais on s'attend à des sévices qui ne viendront jamais - et ce n'est peut-être pas plus mal dans un premier temps. La réalisatrice opte pour le plan fixe relativement long, qui renforce la force géométrique de ses cadrages et joue sur une belle adéquation avec la photographie glacée de Simpson, faisant de ce film par moments une suite de tableaux d'une grande beauté plastique. Les cadrages sont ainsi sublimes lorsqu'il s'agit de filmer notre belle assoupie dans un lit somptueux, attendant son visiteur nocturne. Nous en verrons 3 différents pour 4 séquences au total. Un vieillard au sexe minuscule (inexistant ?) qui commence par narrer une étrange nouvelle à la maîtresse de maison, visiblement émue, et qui se love aux côtés de l'endormie après l'avoir baisée (de sa bouche, il s'entend) avec ferveur. Aussi tendu qu'émouvant. Ca se gâte avec le deuxième, un libidineux qui fait outrage au corps de la jeune fille dans une scène absolument révulsante. Le troisième est une curiosité, colosse auxpieds d'argile qui pourra émouvoir mais qui vous fera peur également. Enfin, le dernier est le même homme que le premier, il conclut le film dans une scène belle mais frustrante, qui laissera un goût amer d'inachèvement.

 
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Le travail sur le son est également remarquable, musique quasi absente, toute en notes discrètes de musique ambiant composée par Ben Frost, musicien australien établi en Islande qui oeuvre dans le domaine de l'électro minimaliste et expérimental. Une explosion sonore survenant vers la fin sera du plus bel effet dans ce grand film silencieux, mais la promesse d'un retournement et d'un crescendo final sera malheureusement oubliée. La grande réussite du film est dans sa direction d'acteurs et dans le traitement des corps. La jeune actrice Emily Browning, qui campe courageusement le rôle de Lucy, pourrait prétendre à un prix d'interprétation. Son corps endormi est malmené de manière incroyable et elle donne à son personnage une jolie complexité, tiraillée entre le désir de l'argent facile et le besoin de savoir ce qu'elle subit dans son sommeil. Il est à nouveau regrettable que le film déçoive de ce côté-ci. Rachel Blake est magnifique en Clara, directrice de l'établissement très spécial ou travaille Lucy : de la prestance, de la raideur, des costumes chics et sobres, aux belles couleurs brillantes (vert anglais, bleu azur), elle incarne une femme compréhensive mais qui se fait du mal: son désir d'aider les vieux riches à jouir un peu est terni par le prix qu'il faut faire payer aux jeunes filles pauvres qui acceptent de se sacrifier. Beaucoup de choses sont tues à son égard, ce qui renforce un côté mystérieux de son personnage qui semble fissuré, comme l'atteste la séquence de la narration du vieillard, en champ-contrechamp à 180°, où le regard caméra du vieux vous saisit aux tripes comme il la saisit elle, qui finit bouleversée, les yeux rougis par les larmes.

 

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Au rang des curiosités inexplicables qui contribuent à donner une atmosphère pesante au film mais qui peuvent jouer en sa défaveur, citons les petites baies rouges que cueille Lucy avant de les abandonner dans la voiture de son chauffeur-passeur, éventuelles références au mythe de Perséphone aux Enfers; mais surtout, l'omniprésence de jeunes asiatiques dans un film australien reste inexpliquée, de même que les cours suivis à l'université, qui semblent être une stratégie pour un jeu de dames complexifié.

 

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En bref, malgré une approche technique et esthétique pratiquement irréprochable, qui fait un sort merveilleux à la présence physique de ses acteurs et du teint diaphane de Lucy, Sleeping Beauty souffre de son dilemme entre forme classique (séquences définies nettement, linéarité du récit, thèmes explorés) et fond moderne (scénario peu explicite, rythme quasi absent) : en résulte une sorte de monotonie qui confine presque à l'ennui, le film enchaînant tranquillement des séquences fondées sur un même argument scénaristique, qui ne choquent plus ou presque. Quand tout se termine, on en vient à se demander "A quoi bon ?", "Tout ça pour ça.", la faute à un manque de rythme évident, le film évoluant toujours à la même vitesse, si l'on écarte une scène qui annonçait pourtant un renversement qui eût été le bienvenu. En outre, le titre présageant une relecture du conte de la Belle au bois dormant ne s'avère qu'une illustration presque maladroite d'un tiers du film, où le prince charmant est multiple et viole la belle chaque nuit, sans que cela ne prenne jamais réellement la dimension polémique, métaphorique ou même simplement tragique que l'idée portait en germe.

Note : 2.5/4

 


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3 mai 2011

LA. Zombie

Me revoilà, après une longue pause. On va essayer de dépoussiérer cet endroit, et on va commencer par un film assez curieux.

Peut-on être gay et trash ? Sans conteste possible, oui. En bon disciple de mes groupes de metal favori et de toute une culture "underground" musicale et cinématographique, je ne pouvais rater l'événement qui permit à CinéNasty et aux Méduses (un cinéclub spécialisé dans l'horreur, fantastique, séries B et Z) de rencontrer l'In&Out, un festival de cinéma LGBT niçois. Au programme : un Bruce Labruce, LA Zombie. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant Labruce fait régulièrement parler de lui, dans des revues certes (très) spécialisées comme Mad Movies ou Têtu, mais aussi dans Première, où, aux côtés d'Andrew Blake, il constitue un metteur en scène esthète à sa manière du milieu porno (essentiellement gay pour Labruce). Oui, vous avez bien lu. Labruce réalise des films hybrides qui mêlent propos social, délires oniriques et scènes pornographiques souvent assez trash, comme la fameuse séquence moignon de Hustler White.

Arrivée au cinéma, ambiance chaleureuse, beaucoup de monde, beaucoup de jeunes, de belles personnes (d'un point de vue moral et/ou physique, cela s'entend). On papote un peu avec les connaissances, on apprécie la déco (parfois corporelle) et on s'installe : première surprise, Labruce a enregistré rien que pour nous, niçois, une petite vidéo de lui-même nous souhaitant bonne séance et promulguant la version DVD "hardcore" de son film. Ca fait toujours plaisir.

Mais le film n'est pas un chef d'œuvre, loin s'en faut. En fait, devant les nombreuses qualités et les énormes défauts, je vais procéder par "J'aime" / "J'aime pas".

 

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Le pitch ? Un zombie sculptural mais bleu comme un schtroumpf, campé par François Sagat, une star du X gay, émerge du Pacifique et se dirige vers Los Angeles. Il est pris en stop par un jeune-émo-goth-mignon qui finit dans le décor, les tripes à l'air. Notre zombie sort alors son sexe énorme et bleuâtre (avec une prothèse curieuse, un gland rigide et pointu qui expulse un liquide rougeâtre peu ragoutant) et copule avec le macchabée, utilisant ses plaies béantes comme orifices. Le cœur se remet alors  à battre, et, miracle, le jeune éphèbe est ressuscité. Errant dans les quartiers infâmes de la métropole californienne, le zombie croise divers cadavres qu'il ranime avant de finir sa course dans un cimetière. L'avant dernière séquence montre quelques acteurs célèbres du X gay, dont le très beau Francesco D'Macho.

 

J'aime :

- le maquillage du film, à la fois réaliste dans les scènes de boucherie-charcuterie et onirique dans les teintes éclatantes arborées.

- l'humour du film et sa revendication nanar.

- la présence physique de Sagat, taillé comme une statue grecque de Zeus avec l'outillage d'un Priape.

- l'audace de mêler allègrement un brûlot politique et social, un film de zombie et un film porno.

- la dimension sociale du film, où le zombie apparaît comme une émanation de la ville elle-même, qui contemple hagarde, une population de rejetés et de marginaux (bandits, clochards, drogués).

- le travail sur la musique, étonnamment crépusculaire et réussie.

- l'argument de l'histoire : ramener à la vie par le sexe. Mais ceci va être nuancé toutefois.

- la durée du film : à peine plus d'une heure, plus aurait été vraiment lassant.

- le montage-maquillage du film : suivant les rencontres et les "prestations" du zombie, son maquillage est plus ou moins achevé. Séquence curieuse où il est à moitié maquillé car il couche avec un homme seulement blessé.

- l'atmosphère onirique et fantasmée du film, qui ne nous dit jamais si tout cela arrive réellement ou si on reste dans le domaine d'une pulsion proprement scopique : à la fin, le zombie regarde les 4 acteurs se faire massacrer par la fenêtre; quand il les ranime, il est à la fois à l'extérieur et à l'intérieur de la pièce, comme s'il ne faisait que s'y projeter.

 

 

Je n'aime pas :

- la confusion du scénario, qui ne fait que montrer sans jamais dire. Ainsi, les nombreux faux-raccords du film restent-ils ambigus : sont-ils délibérés et font-ils sens, ou au contraire sont-ce des oublis qui témoignent d'un regrettable amateurisme ?

- la mauvaise interprétation des acteurs du film : Sagat est patibulaire et son rôle ne lui demande que ça, mais par exemple, Francesco D'Macho, même s'il est superbe, ferait mieux de rester dans domaine de porno traditionnel.

- L'aspect trop linéaire et répétitif du film, qui accuse un manque de rythme dommageable : un mort, on couche avec, on part, un autre mort, etc.

- la fin, trop évasive : que fait-il au juste ? Où est-il réellement, est-ce un cimetière humain, d'animaux de compagnies (des noms curieux sur les tombes) ou un cimetière métaphorique ? (Il creuse la terre de la tombe "Law" = la loi).

- la scène uro et totalement inutile : que Sagat fasse cela dans un porno classique, OK, vu son physique on devine le public auquel ses films sont destinés, mais là, à quoi bon le montrer en train d'uriner dans la rivière-égout pendant de trop longues minutes ? Pas grand plaisir esthétique si ce n'est celui, assez curieux tout de même, de contempler ce colosse en guenilles pisser puis se laver dans l'eau où il vient d'uriner...

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Voilà, un film qui réserve de bonnes idées de mise en scène, notamment les séquences nocturnes aux lumières vives, comme hallucinées, mais qui s'étire un peu en vain, sans jamais nous dire ce qu'il advient de ces "victimes", ni ce qu'est réellement cette créature. On aurait aimé plus de clarté dans le propos. A noter, la présence au casting d'un acteur de Hustler White, ex de Madonna. On retiendra surtout l'audace jouissive de certaines scènes, où temps et espace s'étirent à loisir, comme ce carton modeste qui prend les dimensions d'une pièce à vivre. Poésie morbide, humour désenchanté et vedettes du porno gay pour un film qui s'inscrit délibérément en marge du cinéma traditionnel. La version "hardcore" est une version longue du film, où les scènes pornos sont étendues et réalisées avec moins de maquillages (il ôte sa prothèse répugnante par exemple, parce que la scène de fellation dans le film avec ce gland en caoutchouc est particulièrement glauque.)

Je me demande toujours si le message n'est pas un peu ambigu : certes il les ramène à la vie, mais à quelle vie, et à quel prix ? En les arrosant de foutre-sang, en les laissant les tripes à l'air... Le pas à franchir pour comparer ces rapports sexuels pour le moins inhabituels à une inoculation plus ou moins consciente du VIH est mince, selon moi.

 

Note : 2/4

23 décembre 2010

TOP TEN 2010

Bon voilà, malgré une grosse absence - merci la prépa qui me bouffe ma vie sociale et qui en plus a causé la perte de toutes mes données informatiques - et une présence en filigrane, j'ai décide de profiter de cette avant-veille de Noël pour poster un top ten de mes films de l'année.

Bon, j'avoue, j'ai eu du mal à départager tout ça, du coup j'ai des ex aequo.

C'est parti : (dans le désordre sinon ça vaut pas)


NUMERO DIX

Kick-Ass, de M. Vaughn ex aequo avec Outrage de T. Kitano.
Le premier parce que c'est un cocktail assez bluffant de violence stylisée, d'humour, et de trouvailles post-modernes réjouissantes pour un blockbuster au final assez mal distribué en salles. Le second pour son scénario impitoyable et son casting irréprochable, ainsi que le jeu de massacre impressionnant qui accompagne la revisite des codes et de l'humour noir.

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NUMERO NEUF


Inception, de C. Nolan. 

Oui, ça fait beaucoup de blockbusters quand même, mais celui-là est assez ahurissant visuellement parlant, et son scénario est plutôt solide, même si ce n'est pas la migraine promise par les critiques pour tout démêler. Au final, un film fleuve très agréable et divertissant, qui sort des sentiers battus avec une énergie méritoire.

inception



NUMERO HUIT

A Single Man, de T. Ford.
Film tout simplement bouleversant et sublime. Les acteurs sont renversants, les couleurs et l'esthétique rétro impeccables... On a du mal à croire que c'est un premier film pour le couturier. Une grande réussite.


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NUMERO SEPT

Toy Story 3, de L. Unkrich ex aequo avec L'Illusionniste de S. Chomet.
Encore un ex aequo, celui-là spécial animation. D'un côté l'inénarrable talent de Pixar qui réussit avec brio une fin à la saga Toy Story qui a peuplé mon enfance. Un déluge émotionnel absolu et une splendeur visuelle. De l'autre côté, une sobriété toute française et un film profondément intimiste et pudique qui ressuscite l'univers de Tati. Un film poème d'une grande force, magnifique et douloureux dans son comique du clown triste.

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NUMERO SIX


The Killer Inside Me, de M. Winterbottom.

Un choix risqué certes, mais un film aussi dérangeant et malsain qu'indéniablement réussi. Une plongée dans la tête déviante d'un assassin, une ville trouble, des personnages ambigus et une violence terrible. Parfois insoutenable mais certainement pas vain.



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NUMERO CINQ

Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, de A. Weerasethakul.
Palme d'or controversée pour un trip métaphysique visionnaire et passionnant. Temps éclaté, dilaté, apparitions fantomatiques étranges, parenthèses sociales et politiques ou religieuses... Film OVNI qui en déconcertera plus d'un, mais pas moi.


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NUMERO QUATRE

Enter the Void, G. Noé.
L'enfant terrible, le film le plus OVNI de ce classement, plus inclassable même que la Palme d'Or.
Sortie tardive pour un film présenté à Cannes il y a deux ans, succès plus que confidentiel, futur objet probable de culte, Enter The Void est un voyage visuel étourdissant à la beauté glauque et dérangeante. Fumeux et hallucinogène, un film long, éprouvant d'où l'on ressort pas tout à fait comme avant.



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NUMERO TROIS

Tamara Drewe, de S. Frears ex aequo avec Another Year, de M. Leigh
Un duo anglais, typiquement anglais. Les deux comédies drôlissimes du Festival de Cannes de cette année.
D'un côté la chaudasse qui perturbe l'équilibre fragile d'un hameau d'écrivains ratés à la campagne, de l'autre les amitiés et la vie de famille d'un couple de sexagénaires. Un point commun : scénario et casting brillants, travail soigné de la photo, et construction de film qui pousse le rire vers les larmes ou le ricanement. Cynique mais nécessaire.


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NUMERO DEUX

Des Hommes et des Dieux, de X. Beauvois
Le succès français de l'année. Un film inattendu, lent, contemplatif au bon sens du terme. Grande pudeur, immense dignité et précieuse incertitude. Un havre de paix et de mélancolie, et quelques moments incroyables de cinéma. Du grand art.


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NUMERO UN

The Ghost Writer, de R. Polanski
Drôle d'année pour le cinéaste. Mais surtout, ce film, un come-back incroyablement maîtrisé, un exercice scénaristique brillant, des acteurs inspirés, une photo superbe... Et une double lecture grinçante au possible. Tout le génie de son auteur qui culmine dans un suspense insoutenable quand l'étau se referme, avant de nous écraser dans un final mémorable.


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Mais aussi !

- les supers films que j'ai pas réussi à caser : Fantastic Mr Fox (W. Anderson), Bad Lieutenant escale à la Nouvelle Orléans (W. Herzog), Soul Kitchen (F. Akin), Mammuth (G. Kervern), Copie Conforme (A. Kiarostami), When you're Strange (T. Dicillo), L'arbre (J. Bertuccelli), Le Bruit des Glaçons (B. Blier), The Runaways (F. Sigismondi), les Amours Imaginaires (X. Dolan), Kaboom (G. Araki), The Social Network (D. Fincher)

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- les films que j'ai pas vus mais sur lesquels j'ai un avis a priori favorable : Bright Star, Invictus, A Serious Man, Gainsbourg vie héroïque, Mother, Une Education, Valhalla Rising, Nuits d'Ivresse printanière, Dog Pound, Carlos, Copacabana, Homme au bain, Simon Werner a disparu , les Petits Mouchoirs, Venus noire, Des Filles en noir, Potiche, Rubber, Scott Pilgrim, the Sound of noise.... (Ouais, y en a un paquet)

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- les films que j'ai détestés avec tristesse : Shutter Island (M. Scorsese), Film Socialisme (JL Godard), Robin des Bois (R. Scott), Poetry (Lee Chang Dong), La Princesse de Montpensier (B. Tavernier),  Fair Game (D. Liman), Mardi après Noël (R. Muntean)

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- les films du festival de Cannes pas encore sortis mais géniaux : Adrienn Pal, Carancho, L'étrange affaire Angelica

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- le blockbuster que j'ai pas osé mettre mais qui est décidément vraiment réussi : Harry Potter et les Reliques de la Mort partie 1, de D. Yates.

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Sur ce, joyeux Noël à tous et bonnes fêtes ! :-)


25 octobre 2010

Harbinger of Metal

           C'est entre le premier album et le second de la trilogie de Reverend Bizarre, LE groupe de doom finlandais qui a marqué la décennie, que parait ce qui est ici désigné sous le nom d'EP, le fascinant Harbinger of Metal. Remarque préliminaire, cet "EP" dure la bagatelle d'1h13, c'est à dire plus long qu'un paquet de LP et d'albums traditionnels, mais certes rien en comparaison des 2h et quelques de III: So Long Suckers, le chef d'œuvre absolu du groupe. Quelques mots sur le titre : Harbinger signifie avant-coureur, avant-poste. Conclusion, le groupe revendique une musique quelque peu avant-gardiste sur cet EP. Si on se réfère à la durée des morceaux, on est bien chez du Reverend Bizarre, 18min, 20min, des durées sommes toutes acceptables qui laissent entrevoir des morceaux pachydermiques. La pochette, comme toujours chez le groupe, est soignée, on y voit un bouc noir très évocateur dans un milieu aux couleurs chaudes comme les flammes de l'enfer, le ton est donné.

Harbinger

           Le titre Harbinger, quasi éponyme, démarre l'album sur quelques notes bien lourdes, qui durent, durent, durent, le tout rehaussé de quelques cris informes sur le début de cette courte piste introductive. Le but est simple, c'est un préambule qui nous plonge dans l'atmosphère si spécifique au groupe, qui suspend le temps, nous lacérant les oreilles de cette sorte de brutalité tranquille qui caractérise leur musique.

          Après cet instrumental pesant, on entre dans le vif du sujet avec un morceau hypnotique de presque quatorze minutes, Strange Horizon, qui démarre sur un tempo rapide à la guitare, avec cette note plutôt aigüe, répétée quelques mesures avant d'être rejointe par les autres instruments, qui apportent la diversité mise en tension par ce préliminaire déroutant. Le morceau s'installe au bout d'un peu plus d'une minute, avec la disparition de cette note au profit d'un riff basse-guitare plus sombre. La dite note revient alors immédiatement et installe une dualité instrumentale des plus intéressantes. La basse est gutturale, pénétrante, les guitares jouent sur des oppositions entre gammes graves et plus aiguës, tandis que la batterie, à grands renforts de cymbales, marque la cadence. Un riff plus habituel chez le groupe précède le couplet, évoquant un stoner-doom presque ralenti (c'est dire). La voix traînante si caractéristique de Witchfinder s'installe à son tour. Le morceau est une longue marche à deux, vers l'au-delà, vers l'horizon étrange évoqué dans le texte et dans le titre du morceau. On peut y déceler quelques réminiscences lovecraftiennes, notamment du côté du fameux Beyond the Wall of Sleep, chanté par Black Sabbath sur leur premier album. Le titre, implacable, déploie dans une majestueuse lenteur toute la mélancolie atrabilaire du groupe finnois, le long d'amples riffs de guitare-basse. Le rythme y est certes lent, mais moins que sur des morceaux de format plus étendu, l'écoute est donc accessible relativement, le morceau est en fait bien agréable. Il est assez singulier ici de remarquer que c'est presque une chanson d'amour : la solitude toujours présente n'est plus individuelle mais couplée, ce sont deux amants, dont un incertain, qui s'entraînent vers la mort. Peu d'espoir donc, mais un message peut-être moins pessimiste que d'ordinaire. La fin du texte et du morceau prend une dimension plus incantatoire dans le chant, souligné par un rythme qui se ralentit, se solennise, et par le retour de la note du début. La boucle est bouclée, et d’ailleurs la chanson se termine par une reprise plus hargneuse et désespéré des deux premiers vers : « There’s no time to lose ! », douce ironie que l’urgence de la mort et de la suspension du temps. Détail sublime, l’arrivée des orgues sur la les dernières mesures, qui me rappellent le thème musical du Requiem for December de Beatrik.

            Suit un court interlude à la basse, The Ambassador , qui semble amener délicatement – quoi que de manière un peu inquiétante si l’on se fie à son texte, aux chuchotements sinistres de Witchfinder, et aux notes de guitares un brin torturées en arrière-plan, le morceau titanesque qui suit.
Les vingt minutes du monstrueux From The Void démarrent en trombe sur une basse taquinée immédiatement accompagnée d’une batterie, d’une basse et d’une guitare qui scandent un rythme à la fois lent et violent, marqué par une cassure, une irrégularité qui va donner le ton du morceau. Lourd, toujours plus lourd, tel semble-t-être le motto du groupe, qui se lance corps et âme dans une piste monumentale, à la mélodie alambiquée et funèbre. Rarement le groupe n’aura été aussi implacable, les chants, sinistres le démontrent bien. C’est un appel du vide, de l’ambassadeur impie du morceau précédent, qui nous propose en quelques mots, quelques formules, un pouvoir insoupçonné. La batterie martèle des suspensions de notes de guitare, quelques cris s’estompent au loin. Le chaos s’installe, lentement, sournoisement, le son est gras, granuleux même. Et ce riff entêtant qui revient sans cesse… Vertige musical, et pourtant on n’en est qu’au cinquième de la piste. Le texte est déjà presque entièrement proclamé par ses grognements sombres, qui évoquent avec bonheur un doom-death que le groupe a pourtant toujours refusé. On sombre peu à peu dans une folie toujours plus grande qui rappelle quelques groupes comme Funeralium par moments. Le meilleur du morceau reste pourtant à venir. Le riff se déroule, immuable, doublé bientôt par quelques notes d’une autre guitare qui se greffe et envoie des stridences, grinçantes et inquiétantes. Le temps est en totale suspension, la répétition inlassable du thème du morceau ne fait qu’approfondir l’hypnose ambiante. A 8min48, c’est le drame. Le riff, après avoir subi quelques variations, s’arrête brutalement. La batterie (au charleston) démarre un tempo plus rapide, on croit à une accélération, mais non, c’est un solo de batterie qui démarre, complètement inattendu, surprenant, et diablement réussi. Earl of Void (le batteur) sait y faire, il semble être dans son élément avec ce morceau entêtant, et nous balance cinq bonnes minutes de délire total, complètement apocalyptiques, où l’on retrouve même quelques secondes durant des motifs jazzy. La fin du solo est endiablée, d’une rapidité d’exécution inouïe pour le genre musical d’origine du morceau. On nage en plein délire seventies, qui fleure bon le hard rock et le prototype de metal de la fin du psychédélisme, dur de ne pas penser en effet aux dix-sept minutes envoûtantes et au solo culte de batterie du chef d’œuvre d’Iron Butterfly, In-a-Gadda-da-Vida. Puis le tout se ralentit considérablement, préparant le retour à l’ordre du morceau, et l’arrivée des autres instruments, d’une lourdeur fracassante et salvatrice. Le riff a changé, il est lancinant, très lent, moins buté. Des rires et hurlements bestiaux viennent ponctuer l’enfoncement du morceau dans le vortex qu’il semble s’être ouvert, toujours plus loin, toujours plus noir. La voix revient entonner le texte depuis le début, encore plus caverneuse qu’au départ, le ton est cette fois-ci délibérément mortifère. Sur la fin du la piste, avec l’apparition d’une guitare plus aiguë, on retrouve les sonorités plus habituelles du groupe. Un sommet musical d’une grande somptuosité.

            Et le groupe n’est pas en reste de merveilles, puisque c’est l’heure pour l’auditeur des dix-huit minutes de  The Wandering Jew , qui démarre sur quelques notes très intrigantes de basse. Le titre me laissait voir le pire, je craignais quelques relents d’antisémitisme primaire et totalement hors de propos, hors le texte le dément rapidement, puisqu’il s’agit d’un récit opposant un partisan des forces obscures à une figure de martyr christique. L’issue est d’ailleurs incertaine, et la victoire n’est pas chez celui qu’on croit. Après quelques minutes de cette curieuse mélodie de basse, le groupe envoie l’artillerie lourde et un riff plutôt compact dirons-nous, suivi de peu par la voix plutôt tonitruante de Witchfinder. La chanson serait donc à rapprocher par son sujet et sa lourdeur du célèbre  Jerusalem de Sleep, voire du plus heavy et flamboyant Black Stone Wielder  de Candlemass. Le riff se déploie, encore et toujours – on ne change pas une recette qui fonctionne si bien – et martèle avec un succès appréciable nos oreilles. C’est gras, c’est beau et ce n’est pas si lent mine de rien. Par la suite le groupe nous gratifie même d’un semblant de solo de guitare, rapidement dilué dans un passage d’une profonde lenteur. Et, nouvelle surprise, le dispositif se minimalise. Une basse pulsatile accompagné d’une batterie aussi complexe qu’un métronome. Le temps se suspend à nouveau, et cède la place à des envolées lyriques surprenantes une fois de plus de guitares saturées et cristallines qui ululent dans le vide, dialoguent et résonnent, créant une sorte d’enchevêtrement musical de toute beauté. Décidément cet EP respire l’influence des années 70. La reprise du riff une gamme au dessus et prodigieuse d’énergie, le riff bien sale faisant un retour remarqué et remarquable. Le texte s’achève donc, dans une certaine amertume, à la fois devant la manière condescendante dont le narrateur qualifie le juif errant sous sa croix « this Nazarene », et dans la manière dont le récit se conclue, une imprécation, supplication même pour le pardon du Christ. Le groupe aurait-il quelques remords après des années de service auprès du Malin ? Rien n’est moins sûr. En tous cas, les dernières paroles, puissantes et outrées, de Witchfinder, sèment le doute. Quoi qu’il en soit, le morceau est un nouveau sommet de cette production et de la discographie du groupe.

              Nouvelle pause avec un morceau au titre singulier Into the Realms of Magickal Entertainment (« Dans les royaumes du divertissement magique »), qui distille un calme profond, une douce pause où résonnent un peu tous les instruments, privés de toute lourdeur ou puissance. Petite pause fort sympathique qui précède un dernier coup d’éclat. La fin du morceau est toute fois en joli crescendo, l’intensité gonfle peu à peu avant de s’estomper à jamais.

                Le groupe conclut avec une piste surprenante, une reprise de  Dunkelheit de Burzum. Si le début de la piste rejoint en sonorité et ambiance le modèle avec une précision déroutante, il s’en éloigne rapidement. Le pari est osé, s’attaquer à un monument du dark ambiant, qui a ses adorateurs et ses détracteurs, le bien nommé Filosofem, n’est pas donné à tous. D’autant plus que le morceau de Reverend Bizarre est deux fois plus long que l’original. La cause ? Un riff tétanisant qui reprend le thème bien connu et l’appesantit, sans délaisser les claviers qui donnaient tout le relief de la production du norvégien solitaire. Le rendu est tout bonnement miraculeux : le son est plus clair, plus propre et donc plus agréable que chez Burzum, la voix est intelligible, et un morceau déjà fichtrement bon (c’est en tous cas mon opinion) se retrouve transformé, transcendé même, par notre groupe finnois. Il devient une caresse désincarnée, un moment hypnotique d’une beauté stupéfiante qui laisse éclater tout le potentiel de la composition originelle. Le travail de la voix que fait Witchfinder est aussi réussi qu’osé, il apporte toute une dimension de souffrance qui n’était qu’en germe dans la version de Burzum, plus malsaine. Une relecture passionnante. Comble du génie, sur la fin, le groupe se permet une incursion plus proche de l’original : les chants sont gutturaux, hurlés. En se rapprochant ainsi de l’interprétation de Burzum, le groupe prend une distance de plus, il introduit une variable inexistante chez Burzum, la diversité au sein d'un morceau.

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             En bref, un « EP » absolument incroyable, incontournable et monumental, qui nous présente quatre pistes développées extraordinaires, dont une reprise d’un très haut niveau, et trois autres morceaux qui effectuent des transitions ou des moments de pause bienvenus. Pas un album à part entière, mais bel et bien parmi les meilleurs œuvres du groupe, ce Harbinger of Metal s’élève loin devant la décevante compilation Death is Glory…Now qui paraîtra quelques années plus tard, en guise de chant du cygne. Je retiens de ce superbe EP la première écoute que j’en fis, seul, au casque, la nuit, tandis que s’abattaient au dehors des pluies diluviennes et que les éclairs de foudre tombaient en masse sur la grue d’un chantier voisin.

Note : 19/20

27 août 2010

Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures

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S’attaquer à une œuvre aussi étrange et radicale n’est jamais chose aisée. Mais devant la grandeur de ce film, force est de s’imposer et de tenter l’aventure. Dernier long métrage de l’intriguant thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, auquel on doit déjà le controversé Tropical Malady (Prix du Jury au Festival de Cannes en 2004), cet Oncle Boonmee a donc obtenu, à la surprise quasi-générale, la Palme d’Or 2010 du Festival. Et a par la même déclenché une nouvelle controverse, notamment lors de la diffusion du film le lendemain de la remise des prix, où le public déçu – et particulièrement irrespectueux – hua le film, qui fut remplacé par Des Hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois.

Ceci étant dit, intéressons-nous à ce film. Premier fait notable : le scénario. Certains le diront inexistant, ce qui serait trahir le film. En réalité, Oncle Boonmee est un film très sensible, à l’écriture subtile ; on pourrait dire qu’un bruissement de feuilles dans les branches y prend une importance capitale, par moments. L’histoire est celle du vieux Boonmee, qui souffre d’une maladie rénale le condamnant. Conscient du peu de temps qu’il lui reste à vivre, il se prépare calmement à mourir, accompagné des fantômes de ses proches disparus, et notamment celui, mystérieux, de son fils disparu quelques années auparavant et réincarné depuis en créature simiesque ténébreuse.

Le voyage proposé par Oncle Boonmee mêle donc quotidien traditionnel thaïlandais et dimension fantastique, irrationnelle. Mais c’est en utilisant avec un sens inné du mystique, du chamanisme, que le réalisateur invoque pour cette œuvre des créatures du folklore religieux et culturel de sa patrie. Là-bas, personne ou presque ne semble s’étonner de ces apparitions, et les hommes vivent dans une sorte d’harmonie avec les créatures étranges de la forêt. Ce qui propulse le film dans un univers à la fois contemplatif et onirique, qui, pour peu que l’on y soit sensible, nous envoute littéralement. A cette image, il suffit de prendre la première séquence du film, suivant les errances forestières d’un buffle domestiqué qui s’est libéré de son joug. L’animal, paisible, s’enfonce au petit matin – ou est-ce le crépuscule ? – dans un épais sous-bois. Séquence muette, de près de dix minutes, où rien ne nous est donné, mais où tout est montré. C’est dans la suite du film, quand deux ou trois autres séquences lui auront fait écho, que l’on pourra se demander si ce buffle était purement métaphorique ou s’il était un avatar de l’oncle Boonmee ou d’un de ses proches.

En effet, le film recèle deux autres passages-clés, tout aussi mystérieux et ensorcelants, qui semblent interrompre la fin de vie de l’oncle sans pour autant avoir de rapport direct avec lui. Ainsi de cette princesse, portée par ce qui s’apparente à des esclaves, sur un promontoire à baldaquin, au beau milieu des ténèbres grandissantes de la forêt tropicale. La caméra nous la montre tantôt de très près, l’accompagnant sur son siège et jouant avec la pénombre et les scintillements des étoffes dont sont faits les rideaux, tantôt d’entre les branchages inextricables de la jungle. La scène se clôt dans un point d’eau où vit une carpe, qui va s’accoupler avec la princesse dans une scène d’une poésie à couper le souffle où la mythologie éclate.

C’est avec très peu de moyens que le réalisateur fait surgir ces moments de poésie brute qui font la force et la grandeur du film. La défunte épouse de Boonmee apparaît à table lentement par un effet de fondu, la caméra capte des fragments d’images, comme volées, arrachées à la nature, où l’on distingue des paires d’yeux rougeoyants et des silhouettes noires, velues et presque inquiétantes. Si la magie fonctionne si bien, c’est également grâce à une photo très soignée, qui sublime le moindre rai de lumière, et qui offre un rendu des noirs savoureux. La nouvelle affiche du film en atteste d’ailleurs (cf photo), et s’il faudrait retenir une scène du film pour illustrer cela, ce serait le départ de l’oncle pour une grotte enfoncée au cœur de la forêt. Une fois sur place, les ténèbres investissent l’écran dont elles ne sont chassées qu’épisodiquement par une lumière crue, celle d’une lampe-torche, qui fait tantôt apparaître des créatures craintives, blafardes et fuyantes, tantôt resplendit l’éclat furtif de cristaux de roches, avant de disparaître au petit jour dans la lumière pleine de vie et de sens d’un nouveau soleil, au beau milieu d’une ouverture à ciel ouvert de la caverne.

Si Oncle Boonmee propose ces quelques voyages initiatiques fortement teintés de lyrisme et de folklore, il n’est pas exempt non plus d’un arrière-plan politique et d’une vision critique de la société thaïlandaise. Ainsi, si l’oncle va mourir, il est persuadé que c’est pour expier des atrocités commises dans le passé lors de guerres, tandis que la femme qui l’accompagne pense plutôt que ce sont les pesticides épandus sur les plantations qui seraient à l’origine de la dégradation de sa santé. La toute-fin du film, après la disparition de l’oncle, est également riche en interrogations. Le jeune homme qui vivait chez Boonmee est devenu moine après l’aventure forestière, mais il semble rempli de doutes, présents presque à fleur de peau lors d’une très pudique scène de douche. Plus inexplicables, le film s’agrémente également de quelques excentricités comme la séquence en roman-photo où l’on voit des chasseurs capturer une des créatures simiesques dans ce qui semble être un futur proche, ou bien les dernières images du film, où les personnages se dédoublent sur le lit de leur chambre miteuse, sans que l’on puisse réellement savoir pourquoi. Ce sont d’ailleurs là les rares défauts d’une œuvre singulière et puissante, qui laisse pourtant un léger goût d’inachevé, de trop peu, malgré l’aspect contemplatif qui peut paraître rebutant pour certains.

En somme, Oncle Boonmee est un film rare, précieux et singulier, une grande œuvre métaphysique et reposante comme on en voit peu, mais qui risque d’avoir du mal à séduire le public malgré sa Palme d’Or, amplement méritée même si quelque peu surprenante.


Note : 3.5/4

 

 

26 août 2010

Le Bruit des Glaçons

Rater un Blier avec Jean Dujardin et surtout l'immense Albert Dupontel aurait été un crime. D'autant plus que le film promettait d'être drôle et cruel à souhait. Pourtant...

Pourtant ce n'est pas ce que je retiendrais en premier de ce film singulier. Salle quasiment vide le jour de la sortie, étrange mais peut-être prophétique du succès d'estime que risque d'avoir le film. La faute à un style vraiment original, inhabituel, et surtout à un film particulièrement dérangeant, qui risque bien de ne pas trouver son public si facilement.

Sur le papier, tout est parfait : un ex-écrivain alcoolique reçoit la visite d'un type qui prétend être son cancer, il s'aperçoit bien vite que c'est le cas. On s'attend à de l'humour noir, de la cocasserie, du décalage. Certes, mais il y a bien plus dans ce film. La première séquence le laisse déjà supposer : Dupontel marche sur un chemin droit, encadré d'arbres identiques et droits, eux aussi. Plans géométriques, montage sec, contrechamps complets, coupures brutales et bande son ronflante, inquiétante, musique classique apocalyptique, façon début et milieu de XXe. Dujardin trône sur la terrasse de son mas, en manteau de fourrure, bouteille de blanc à la main. Et le fantastique surgit : le cancer sonne à la porte, mais seul lui le voit et l'entend. Servante apeurée, éberluée de voir son patron gesticuler tout seul et parler dans le vent. La musique s'emballe, le ton devient grinçant, les répliques fusent. Le cancer est défenestré, mais revient quelques plans plus tard. Il se prend une balle dans le ventre et se tord de douleur avant de se tordre de rire. Le ton est donné : l'humour est bien là, mais il est grinçant, sinistre.

Si Edgar Allan Poe hante - c'est le cas de le dire - la première partie du film, qui reste globalement dans le registre comique ourlé de grotesque, il disparait peu à peu derrière l'auteur du film, Bertrand Blier. On retrouve là des codes de son cinéma à lui : huis-clos, humour noir, sujet brûlant... Il développe peu à peu une mise en scène originale, gonflée, osée. Le montage est aussi sec que le décor, presque géométrique lui aussi. Mais les mouvements de caméras sont gracieux, épousent de plus en plus les formes, les contours et les personnages, enveloppés dans leur misère. L'humour s'efface, ou se radicalise. Rire devient difficile, provoque le malaise. Un deuxième cancer survient au détour d'une scène terrassante, des personnages d'une ampleur inouïe se créent : la bonne, l'écrivain, les cancers, et puis le fils. Le jeu est parfois outré, délibérément théâtral, les mouvements sont calculés comme dans un ballet, notamment dans les rares scènes qui se déroulent à l'hôpital, hors de la villa.

Ces procédés se superposent, se télescopent pour créer cet objet de cinéma curieux et déroutant, gracieux et glacial, drôle, cruel et tendre. La tendresse et l'émotion se font une place grandissante au milieu du jeu de massacre. La bonne amoureuse, flirte avec les images de son désir, mais son cancer ne la lâche pas d'un pouce. Au milieu de tout cela, on pourrait crier à la foule d'invraisemblances, mais la complexité habile du scénario - seuls ceux qui aiment le malade voient le cancer - offre une pirouette au réalisateur qui montre et cache à loisir ses fléaux. Eros et Thanatos, encore et toujours : amour et mort, pulsion de mort, désir de mort. C'est parce qu'ils sont condamnés qu'ils s'aiment, et cet amour offre à la fin du film des moments d'extase, des soubresauts du comique rédempteur. Blier joue avec les codes, les genres, entre film noir décomplexé et satire cruelle de la société, où les écrivains ratés ont du succès et tombent dans l'oubli ou finissent par croupir à l'Académie, où les cancers et les paparazzis se ressemblent. On n'avait pas vu une telle réussite autour de la personnification de la mort depuis le Septième Sceau de Bergman, auquel le film fait étrangement écho.

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In bed with... a cancer.

Il reste encore quelques éléments remarquables avant d'en finir : la musique tout d'abord, cruciale et incroyable, brassant répertoire classique (Ravel), Jazz (Nina Simone reprenant Brel au générique) et musique moderne (blues synthétique, partition envoûtante et responsable pour beaucoup de l'ambiance du film), composée par deux "équipes" différentes. D'ailleurs, avec la fin du film, apaisante et superbe, le choix musical du "Ne me quitte pas" revisité par Nina Simone montre bien la position du film par rapport au genre comique. Les acteurs quant à eux, trouvent tous de grands rôles, Dupontel en tête. Il a le sale rôle, mais derrière quelques unes de ses colères on devine pourtant une grande souffrance : tuer des gens, c'est pas si facile à vivre en fin de compte. Mais pour moi, la grande interprétation de ce film est elle d'Anne Alvaro, bouleversante dans le rôle de Louisa. En dire plus serait gâcher le plaisir. Le rythme effréné du film par moments et presque un obstacle à l'émotion, rendant difficile de savoir si c'est parce qu'il veut rester du côté de l'humour ou parce qu'il veut vraiment que les deux genres entrent en collision. Un scène terrible et drôle à la fois, d'une grande cruauté, est à cette image : Dujardin et sa première migraine à cause de la tumeur, devant une Louisa effondrée, un cancer du sein sur le fil et Dupontel qui s'esclaffe. Dernier atout, et pas des moindres, l'audace incroyable de Blier, qui n'hésite pas à utiliser un procédé théâtral par excellence pour les scènes de flashback : les personnages la revivent, et nous la racontent, au passé, tout en la jouant, accompagné avec un bel anachronisme de leur cancer qui commente le tout. Chacune de ces scènes est un grand moment d'émotion et de cinéma en général.

En bref, un film vraiment singulier, pas conseillé à tous, entre outrance et film d'auteur accompli. Une réussite aussi bien esthétique que scénographique, portée par des acteurs au sommet de leur art. Quelques moments vraiment incroyables de cinéma, notamment le subtil plan séquence qui ouvre la dernière partie du film, jouant sur nos peurs et nos envies. Seuls défauts qui surnagent, quelques longueurs peut-être pour un film pourtant court, et surtout, paradoxalement, un rythme parfois trop soutenu. Une comédie presque déprimante, qui me donne envie citer un certain Desproges : "On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui.".


Note : 3.5/4

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