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Screen Shape
7 août 2010

Nuits du Sud à Vence

nuitsduCe soir se terminent les Nuits du Sud à Vence, un festival de musique ma foi fort sympathique. Hier soir, pour la première fois, j'y suis allé avec Julien, pour voir un de monuments de la musique moderne : George Clinton.

Tout d'abord, une petite description du lieu s'impose. Dans le village vençois, sur la Place du Grand Jardin, un plancher de bois est installé, quelques rangées de chaises autour, et un carré de buvettes qui cerne le tout. Drôle d'endroit pour un concert payant, avec les habitants et les commerce, n'est-ce pas ? Mais la ville pense à tout : le quartier est bouclé, les accès à la place contrôlés, vous ne rentre pas sans billet, à moins d'être riverain, auquel cas c'est gratuit. Ambiance décontractée et traditionnelle donc, puisque l'on peut assister aux concerts installé à la terrasse d'un bar ou d'un restaurant. Et en conséquence, les prix des consommations ne sont pas exagérés.

C'est donc dans ce cadre que la soirée pouvait commencer. 21 heures, le premier concert débute. Nous ne verrons donc pas sieur Clinton tout de suite, mais ce n'est pas trop grave. Le premier groupe, Asere, joue un mélange de rumba et de salsa afro-cubaine. Une musique fraîche et estivale, légère et rythmée, qui prépare doucement le public à une plus grande fièvre. Au début, le même public est un peu figé, de glace. Les musiciens sont perplexes, mais ils connaissent leur travail, et dès le milieu du premier morceau l'assemblée s'éveille et s'agite. 7 musiciens dont 4 percussionnistes, et un bassiste, autant dire que la section rythmique assurait. Le premier morceau était à ce niveau éloquent : longue intro où chaque instrument arrive séparément, une percussion après l'autre. Un son de claves installe un rythme, puis des congos, des bongas, les cuivres s'élancent, la voix suave du chanteur et la sauce prend pour une rumba très appréciable. Sur les morceaux de salsa, on remarque le roulis et le grincement des guiros, le tintement de la campana. C'est d'ailleurs quand cette dernière s'emballe que la musique devient excellente, les cuivres se déchaînent, les congos et les bongas sont martelés de plus en plus vite par les musiciens. Le concert se termine après un solo de percussions devant un public enfin chaud.

Après une pause d'une vingtaine de minutes, aux alentours de 22h20, le gros concert démarre. Un musicien arrive, c'est un batteur. Il a de longs cheveux en tresses de perles, noirs, il est plutôt vieux, il sourit. Une guitariste le suit, avec un look déjà plus marqué : casquette de cuir et pull-over Led Zeppelin, tout pour plaire ! Viennent ensuite un bassiste, un autre guitariste, et un dernier guitariste, un énorme noir avec une barbe grisonnante et quelques dreads épars dressés sur son crâne et emprisonnés dans des gaines blanches. Il arbore une guitare blanche triangulaire qui fait très metal. Le public l'acclame, beaucoup de fans du groupe sont présents, ils savent qui il est. D'autres, comme moi, se demandent si c'est Clinton ou bien un autre membre du groupe. Un type prend le micro pour nous dire en anglais qu'ils voudraient tout d'abord que Mr. Hampton joue un solo en hommage à une personnalité récemment décédée, peut-être son frère. Démarre alors un long morceau mélancolique et mélodieux, un solo de guitare terrible et fiévreux, virtuosement interprété par Michael Hampton, guitariste de Funkadelic après le départ d'Eddie Hazel. 10 minutes de guitare hard rock du plus haut niveau, un morceau très émouvant. J'ai découvert après recherche que ce n'était autre que "Maggot Brain", le morceau éponyme du second album de Funkadelic, et qu'il avait été écrit par Clinton en hommage à son frère décédé, il y a 40 ans. Alors ouvrir un concert sur un morceau déprimant, choix étrange, justifié à mon avis si c'est bien le frère de hampton qui venait de mourir à son tour. Après ce début aussi poignant que réussi, le groupe débarque au complet, 4 choristes, 2 claviéristes, 3 guitaristes, un bassiste, un batteur, un chanteur, un trompettiste et un tromboniste, plus un grand black qui fait le con au milieu. Soit en tout 15 personnes sur scène, et ce n'est qu'un début. George Clinton, énorme vieil homme noir au look extravagant - comme les autres membres du groupe - n'a plus sa chevelure légendaire. Une petite déception, qui va être très largement compensée par la qualité de la musique qui va nous être jouée. "Atomic Dog" démarre en trombe, un des rares morceaux que je connaisse. Le public est déjà déchaîné, grâce aux nombreux fans. On est au premier rang, debout contre la barrière. On crie, on chante, on rue, saute, lance des bras, des mains aux doigts tendus. On se croirait presque à un concert de metal, d'autant que le funk joué par le groupe est d'une lourdeur inattendue. Un gros son puissant et rythmé, qui électrise rapidement toute la foule. Pendant près de deux heures et demi, le super-groupe quadragénaire (on a devant nous des membres de Parliament et de Funkadelic) va envoyer leurs plus gros succès, et ils sont nombreux : qui n'a jamais entendu les refrains ou les choeurs de titres phares comme "Flashlight", "Give up the Funk" ou "Mothership Connection" ? Même moi, ne connaissant que des bribes de la musique du groupe, je retenais rapidement les refrains pour les scander avec le reste du public. Le groupe ne joue qu'une dizaine de morceau au maximum, mais en des versions étirées jusqu'à la démence, atteignant aisément les 20 minutes de musique pure, à grands coups de breaks, de medleys, de jeux avec le public. Chaque musicien présent sur scène a ainsi son moment de gloire, car le concert est un véritable spectacle, un de ces shows qui ont fait la légende de George Clinton, le chef de cet orchestre sidérant. Ainsi, la choriste black bien en chair et vêtue d'une guêpière et d'un porte-jarretelles affriolant se retrouve au milieu de la scène, à danser corps contre corps avec Sir Nose, le seul du groupe à ne jouer de rien. En fait il est le trublion de la bande, se promène sur scène en grand manteau de fourrure synthétique blanche, avec chapeau assorti, brandissant des pancartes où sont écrites des phrases comme "Fuck George", "James Clown Ass" voire une main faisant un doigt d'honneur, au public ou aux musiciens. En plein dans l'autodérision donc, puisqu'un gag est construit avec un roadie qui fait mine de le virer à chaque fois, jusqu'à ce qu'il enlève son manteau pour rouler des mécaniques devant la scène, se contorsionner, se tortiller, ou danser avec la choriste. Une autre choriste aura elle deux soli impressionnants sur le concert, dont le mémorable appel au public "Bounce to this". La dernière choriste elle chantera sur des rollers en fin de show, très acrobatique. Quant au seul choriste homme, il s'agit d'un vieil homme qui criait avec ferveur dans son micro et invitait le public à en faire autant, et qui nous aura gratifié d'une belle contorsion, aussi difficile qu'inattendue pour un type de son âge - il était par ailleurs très sympathique, puisqu'après le concert il déambulait sur la place et acceptait de poser à côté des fans curieux, dont moi. L'interaction avec le public était très forte, les gestes des musiciens vers une personne qui émergeait de la foule étaient fréquents, l'ambiance était complètement folle, un véritable don pour déchaîner la foule. Quelques moments de transe nous furent même offerts, comme ce long solo de saxophone sur fond de clavier et de funk psychédélique lancé à 200 à l'heure, un pur régal.

 

 

Mais ce n'était pas tout ce que le groupe avait à nous offrir. Le spectacle était vraiment total, puisque du détail d'un musicien loufoque changeant de costume régulièrement et chantant de manière assez hallucinante on arrivait à des guests complètement inattendus. Il faut ici garder en tête que Clinton est père de 14 enfants, et que certains font aussi dans la musique. On a donc vu une de ses filles débarquer sur scène pour un morceau de rap énergique et sidérant, aux sonorités old school des plus appréciables pour un genre qui à tendance à tourner en rond depuis quinze ans. Un moment de magie qui me ferait presque aimer vraiment ce genre. Mais le véritable point d'orgue du concert selon moi, ce fut le blues pachydermique joué aux deux tiers du show, avec en invitée une jeune chanteuse de soul noire, une petite bombe moulée dans une robe turquoise resplendissante, dont le physique et la voix puissante rappelaient une certaine Tina Turner à ses débuts. Un moment d'une intensité rare, où les hurlements de la chanteuse déchaînée se mariaient avec les soli furieux de guitare et les beuglements du public conquis. Elle revint d'ailleurs pour le final de concert, un long medley reprenant entre autres les morceaux "Do that Stuff", "Dr. Frankenstein" et "Flashlight". A la fin du concert, tout le public chantait avec le groupe, qui nous tendait les perches du micro, qui restaient évidemment inaccessibles. Une synergie qui n'était pas du goût de la sécurité, très tendue, parce que quelqu'un avait jetée une cigarette allumée sur scène, que Clinton avait ramassée, fumée, et fait tourner. A une heure du matin, après nous avoir lessivés mais comblés, le groupe se retire enfin, sous une ovation de près d'un quart d'heure, et aux cris désespérés pour un rappel. Mais ils ne revinrent pas, l'heure étant trop tardive et les riverains pouvant exiger un peu de sommeil. Dommage, parce que c'était vraiment un concert incroyable, et qu'une heure ou deux de plus ne m'auraient pas déplu.

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